Paru en premier sur (source): journal La Presse
À l’image de James Stewart dans le film culte Fenêtre sur cour, d’Alfred Hitchcock, la critique et chroniqueuse cinéma Helen Faradji a imaginé son premier polar, La corde blanche, pendant qu’elle était en convalescence et qu’elle cherchait à tromper son ennui en observant le stationnement sur lequel donnait son appartement.
Publié le 5 avril
« Je n’avais rien à faire et je m’ennuyais beaucoup. Je relisais Daniel Pennac et j’avais vue sur le fameux parking où est découvert le corps [dans les premières pages de La corde blanche]. Et c’est parti de ça, en fait : qu’est-ce qui se passerait si… ? », raconte-t-elle dans un café du Plateau Mont-Royal, le quartier qui sert de décor au roman.
Car oui, c’est bel et bien dans ce coin « trop joli, trop carte postale » de Montréal que les détectives Lisa Giovanni et Thomas Villeneuve démarrent leur enquête pour tenter de prouver l’innocence de leur ami Omar Masraoui, incarcéré pour le meurtre sordide.
« C’est drôle parce que quand on arrive de France, le Plateau est un des quartiers dont on nous parle comme une espèce d’éden super idyllique », raconte celle qui est née à Strasbourg avant de déménager au Québec il y a plus de 25 ans.
« Je trouvais ça amusant de le pervertir un peu, de montrer qu’il y a aussi des choses qui s’y passent – pas forcément joyeuses ou heureuses. »
Lectrice assidue de polars et mordue de film noir et néo-noir – des grands classiques du genre à Tarantino et aux frères Coen –, Helen Faradji confie avoir longtemps gardé ce désir d’écrire bien enfoui. Puis, l’âge aidant, elle s’est donné le « droit d’exprimer quelque chose », dit-elle.
J’ai lu et vu tellement de polars que j’ai une conscience assez claire des archétypes du genre. Ça fait que mes personnages ont été aussi nourris par beaucoup de lectures et beaucoup d’imaginaires.
Helen Faradji
Enquête et amitié
Inspirée du côté de la littérature par Dennis Lehane, Jérôme Leroy, Olivier Norek ou encore Benjamin Dierstein, parmi tant d’autres, Helen Faradji s’est amusée avec les archétypes du genre. À commencer par cette image du détective privé qui est hanté par un évènement passé et plutôt traumatique. C’est ce qui a fini par donner naissance à ce trio inattendu, lié par une amitié indéfectible depuis les bancs d’université : « les deux polices et le truand ».
Parce qu’au-delà de l’enquête, il y a une histoire d’amitié – de loyauté, surtout, une valeur qui lui tient à cœur. Une brève incursion dans l’univers carcéral, aussi, à travers la détention du personnage d’Omar à la prison de Bordeaux, où elle a vécu des expériences marquantes en animant des ateliers de critiques de films avec les Rencontres internationales du documentaire de Montréal. Mais également une réflexion sur la crise des accommodements raisonnables, puisque le roman se déroule en 2006.
« Je pense que c’est un moment où s’est cristallisée une espèce d’idée du “eux contre nous”, dit Helen Faradji. Et que le nous, à ce moment-là, est devenu complexe alors qu’il n’a pas nécessairement à l’être. Je voulais que ce soit ce moment-là dans l’histoire du Québec parce qu’on a tous senti que quelque chose se fracturait et j’ai peur qu’on en voie les conséquences aujourd’hui, en fait. »
Le polar, insiste Helen Faradji, est une porte d’entrée pour regarder le monde.
Si elle laisse justement la porte ouverte à la fin de La corde blanche, c’est peut-être parce qu’elle aimerait bien retrouver ses deux polices et son truand éventuellement. Histoire de régler quelques petites choses, dit-elle en riant.
Et si La corde blanche était un film ?
Parce que le cinéma n’est jamais loin dans l’imaginaire d’Helen Faradji, nous avons voulu lui demander…
Qui scénariserait son roman ?
« C’est sûr que quand on parle de polar au cinéma, il y a une place très spéciale dans mon cœur pour Martin Scorsese. Mais je ne suis pas sûre qu’il aurait envie d’adapter mon roman [rires] ! Au Québec, ce serait une réalisatrice : Myriam Verreault. »
Qui jouerait les trois personnages principaux ?
« Omar me fait beaucoup penser à Tahar Rahim dans Un prophète. Il a quelque chose de cette énergie-là, de très rentré, mais en même temps de très explosif quand il le faut. Thomas, c’est un rationnel, un cérébral qui est assez pogné : Marc-André Grondin, parce qu’il a quelque chose de caméléon, sans jamais trop se dévoiler. Pour Lisa, je verrais Sonia Cordeau. C’est sûr que ce n’est pas un choix évident parce qu’elle est plus associée à l’humour, mais elle a une énergie du genre qui n’a pas peur, du tac au tac. »
Le lancement de La corde blanche aura lieu le 9 avril, à 17 h 30, à la librairie Un livre à soi, à Montréal. Helen Faradji sera également au Salon international du livre de Québec (SILQ) les 12 et 13 avril.
Consultez le site du SILQ pour les détails de ses activités

La corde blanche
Héliotrope
276 pages