Dans une chambre d’hôtel de Vancouver, un jour lointain de 1995, Hazel Brown s’est réveillée avec le sentiment — et la certitude — d’avoir écrit l’oeuvre de Baudelaire (1821-1867). Identique et conflictuel, son rapport à la pauvreté, au lyrisme, à la beauté. Les fleurs du mal, Le peintre de la vie moderne, c’était elle, son oeuvre, ses mots.
« Je l’ai reçue tout entière, comme on passe une veste, assumant la gestuelle différente qu’elle impose », nous raconte la narratrice de La fractale Baudelaire, le premier roman, aussi brillant que cérébral, de la poète canadienne Lisa Robertson. Voix majeure de la poésie anglophone, née à Toronto en 1961, elle vit depuis 2003 en France.
Depuis la petite maison dans le midi de la France, où elle écrit en 2016, cette femme parvenue « au mitan de la vie » tente, dit-elle, de se glisser dans le coeur de sa première période d’apprentissage. Revisitant ses carnets et ses journaux intimes, « archiviste de l’éphémère », elle cherche ainsi à raconter « la parfaite invraisemblance de la jeunesse d’une fille », passée du rêve à la réalité, de Toronto à Paris, « ville qui la première avait accueilli le fantastique projet de mon devenir ».
Premier arrêt de sa trajectoire, dans la grisaille de Londres à l’automne 1984, simple étape pour cette jeune femme de vingt-trois ans déjà « sonnée par le glamour de la littérature ». Quelques semaines plus tard à Paris, à peine sortie de la gare, arpentant les rues du Quartier latin, vient la frapper la première d’une série de révélations :
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