Image

La grosse qui rêvait d’amour | Être grosse, se maudire, et rêver d’amour

Paru en premier sur (source): journal La Presse

« Je suis grosse. » C’est sur cette affirmation laconique que commence La grosse qui rêvait d’amour, un titre aux airs de à l’eau de rose, drôlement plus touchant, confrontant, par moments carrément militant, qu’on pourrait croire.


Publié à 9 h 00

Fait à noter, très drôle aussi.

« Surprise ! », rit l’, Nadia Tranchemontagne, en entrevue au bout du fil, qui signe ici son tout premier roman, publié chez Amérique, mettant en scène une certaine Samuelle, jeune fille grosse – oui, osons le mot, vous comprendrez très vite pourquoi – en quête d’amour, même si elle est bien loin de s’aimer elle-même.

Ça a l’air simplet dit comme ça, mais détrompez-vous. Car on suit ici le personnage dans différentes étapes de sa vie, à travers ses premiers émois et combien d’amères déceptions. C’est que notre Samuelle gravite dans un où elle ne semble jamais « fitter », et où sa mère lui a toujours fait sentir qu’elle ne « fittait » pas, justement.

Ici et là, elle revient sur son enfance, notamment le régime minceur militairement imposé par sa matriarche, avec toutes les conséquences toxiques que vous pouvez imaginer (payer un enfant pour chaque livre perdue, vraiment ?).

Le premier chapitre s’ouvre sur une scène éloquente. Samuelle est au cégep. Quelques amis et elle cherchent à se glisser illégalement à travers une clôture, pour se réfugier dans un parc, y fumer un petit joint tranquillement. Oubliez ça : « Mon cul passera jamais là-dedans ! […] C’est une conviction, un constat, une déception. Ou peut-être un doux mélange des trois… » Ça vous donne une petite idée de l’ ainsi que du ton, cru, lucide, souvent autodérisoire. Mais pas seulement.

Car qui dit roman de type passage à l’âge adulte dit aussi « cheminement », évolution, pourquoi pas révélations. Et c’est là que le roman prend toute sa dimension militante, on l’aura compris.

« La grosse qui rêvait d’amour, résume Nadia Tranchemontagne, c’est vraiment une espèce de quête identitaire, de recherche et d’acceptation de soi. »

Le livre raconte toutes les difficultés parfois qu’il y a à penser qu’on mérite l’amour quand on vit dans un corps qui sort des standards de la société.

Nadia Tranchemontagne, autrice

En un mot : quand on est une « personne grosse ». « C’est un terme que je travaille à réapproprier dans le langage comme étant non péjoratif », poursuit l’autrice, également créatrice de contenu et militante, qui dénonce au passage qu’on soit capable de parler d’une grosse maison, ou d’un gros cadeau, « mais pour un être humain, on va y associer une valeur moindre ». Pourquoi, au juste ? « Moi, je trouve qu’il y a un certain pouvoir d’utiliser ce mot-là. »

Un mot sur la scène de la toute première expérience sexuelle de Samuelle, étonnamment lumineuse, rare description dans l’univers littéraire (ou culturel tout court) d’une scène intime avec une personne grosse, faut-il le signaler. « La sexualité, c’est toujours tabou, et particulièrement pour les personnes grosses, affirme-t-elle. Désirer une personne grosse aussi, c’est encore extrêmement tabou. » D’où la pertinence d’y raconter une expérience non seulement réaliste, mais surtout positive : « Je voulais représenter ce que moi, je n’ai jamais eu. C’est-à-dire : un modèle. »

Inspiré du réel, mais pas que

Si vous vous posez la question, non, il ne s’agit pas d’une autofiction, plutôt d’une fiction « collective ». Si certaines anecdotes (notamment celle de la clôture) sont bel et bien de l’autrice, d’autres, sur l’enfance douloureuse avec un parent contrôlant, pas du tout. « J’ai une mère très aimante ! »

Si vous la suivez sur les réseaux sociaux, peut-être savez-vous que Nadia Tranchemontagne s’y révèle déjà beaucoup. « Depuis plusieurs années, je reçois aussi beaucoup de témoignages. Et ça revient beaucoup, cette idée du parent qui, dès l’enfance, nous fait comprendre qu’on a un corps qui doit changer. » Elle se devait donc de l’inclure dans le récit, et ces moments sont assez pénibles, merci.

étant dit, c’est surtout le ton décalé et archi-imagé de l’autrice qu’on retient. Et ce n’est pas anodin. « L’humour, pour moi, c’est vraiment important », confirme l’autrice.

« Quand on aborde des sujets difficiles, ça permet de faire passer la pilule et la légèreté rejoint les gens. […] On vit tous des expériences communes, on va en rire, pas de nous, mais de la situation », illustre-t-elle, anecdote de ceinture qui ne ferme pas dans un siège d’avion à l’appui. Ou, mieux encore, ce récit de sa première épilation du bikini. À hurler de rire.

On ne vous dira pas si Samuelle finit par trouver l’amour. Ni si elle finit par s’aimer. Précisons néanmoins que le roman ne se conclut pas avec un plaidoyer en faveur de la diversité corporelle, mais plutôt en faveur de la « neutralité corporelle ». Une nuance fondamentale, quand on sait que tous les discours, aussi convaincants soient-ils, en faveur de la diversité ne sont pas si évidents à intégrer. « On ne peut pas passer de se haïr à s’aimer du jour au lendemain », fait valoir Nadia Tranchemontagne. Mais on peut adopter une posture plus neutre : « Mon corps, il est comme il est, je n’ai pas à l’aimer ni à le haïr, mais il mérite le respect. C’est ça qui est ça. » Dit autrement : passons à autre chose ! Un message drôlement porteur, quel que soit le poids, d’ailleurs.

La grosse qui rêvait d'amour

La grosse qui rêvait d’amour

Nadia Tranchemontagne

Québec Amérique

241 pages

[...] continuer la lecture sur La Presse.

Palmarès des livres au Québec

Laissez un commentaire

Votre adresse courriel ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *