À quel moment un homme devient-il vieux ? Lorsqu’il commence à se tourner vers le passé, peut-être, à sentir qu’il lui faut à tout prix sauvegarder quelque chose du monde d’hier.
À 49 ans, Jean Dulac, journaliste pigiste à Nantes pour un hebdomadaire culturel régional, auteur d’un roman depuis longtemps introuvable, l’époque dans laquelle il vit, la nôtre, ne l’enthousiasme pas vraiment. Marié, père d’un fils de seize ans qui voit en lui un « facho », l’homme a perdu le goût de la dispute et de la conversation. Les vieux amis ont commencé à mourir, emportés par le cancer et par l’oubli.
Si cet homme de gauche possède toujours sa carte du Parti communiste français, sa foi en l’humanité a subi la même trajectoire que celle qu’il éprouve pour le marxisme. À ses yeux, les bons sentiments servent de paravent social aux songe-creux, la lecture régresse, le travail intellectuel n’a pas spécialement la cote, tandis que les doigts glissent sur les écrans. « L’époque est plus forte que moi », concède-t-il avec lassitude.
Un homme resté à quai
Malgré tout, deux fois par semaine, le narrateur de La vie des spectres reprend l’écriture d’un roman commencé il y a dix ans, Les fantoches, dans lequel il déverse, on l’imagine, beaucoup de ce que nous lisons ici. Mais tout cela a-t-il encore un sens ? Car nous vivons désormais à « l’ère du simulacre lexical, où les mots dissimulent plus qu’ils ne disent le réel. Toute discussion s’apparente à un exercice de traduction et d’interprétation ».
L’auteur de L’homme surnuméraire (Rue Fromentin, 2017) et
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