Source : Le Devoir
Romancier, poète, photographe et chroniqueur, le Brésilien Victor Heringer s’est enlevé la vie en 2018. Il avait 29 ans. Impossible de le lire aujourd’hui sans avoir en tête le désespoir qui l’a emporté. Paru en 2016, L’amour des hommes singuliers est son troisième roman, mais le premier à être traduit en français. Dans une écriture étonnante, espiègle, imaginative, mais aussi, il faut bien le reconnaître, nostalgique, et parfois même portée par une tristesse inconsolable, l’auteur offre une bouleversante variation sur le thème du premier amour.
L’action se déroule sous un soleil cuisant, dans les banlieues de Rio de Janeiro, à la fin des années 1970. Blanc, fils de médecin, Camilo a 13 ans et vit avec sa sœur et ses parents dans une villa, du bon côté de la barrière, c’est-à-dire hors des favelas, mais il souffre, moralement aussi bien que physiquement, d’une infirmité à la jambe gauche. Un jour, son père ramène à la maison Cosme, un adolescent « café au lait », un garçon des rues que le régime totalitaire en place a rendu orphelin. Camilo, maintenant dans la cinquantaine, écrit : « Il avait l’air costaud, j’étais plus maigrichon, plus cassant, boiteux. Ses yeux par contre étaient fragiles, comme le cou d’un oisillon ou d’un chiot se découvrant coincé dans une souricière. D’instinct, j’ai eu envie de le détester. »
Mais peu à peu l’aversion de Camilo se mue en désir. Grâce à Cosme, qui finit par avoir droit à l’affectueux diminutif de Cosmim, le narrateur jette un regard neuf sur le monde qui l’entoure, accède à
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