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Le renouveau de la littérature autochtone

 

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<article class="col-xs-4 col-sm-8 col-md-8 col-lg-11 col-xl-14 document-simple-container" data-chrome-extension-type="Nouvelles | Espaces autochtones | Arts | Autochtones, Livres” data-chrome-extension-exception=”chromeExtensionDocumentSimpleContent”>

Deux personnes portant un masque regardent des livres sur des tablettes.

Le Salon du livre des Premières Nations est l’une des initiatives qui permettent de faire connaître les auteurs autochtones au Québec.

Photo : Radio-Canada

Charles-Émile L’Italien-Marcotte

le 4 avril 2022

Le renouveau ne vient pas uniquement du nombre d’auteurs et d’autrices autochtones, mais aussi des moyens de diffusion à la portée des membres Premières Nations. Hannenorak et Mémoire d’encrier sont deux maisons d’édition qui publient de nombreux auteurs autochtones, mais ce ne sont pas les seules. En fait, presque tous les éditeurs au Québec publient des auteurs autochtones – même s’il s’agit souvent de traductions. Et des événements comme le Salon du livre des Premières Nations jouent eux aussi un rôle de premier plan.

Mais qu’est-ce qui constitue une littérature autochtone, au juste? Ce qui est écrit par un auteur autochtone, répond Daniel Sioui des Éditions Hannenorak, qui se spécialisent dans la littérature autochtone. Il y a une quinzaine d’années, souligne-t-il, la définition englobait aussi les personnages des Premières Nations, alors qu’aujourd’hui, la catégorie n’englobe que les auteurs.

Une littérature autochtone écrite

Les récits occupent une place importante dans la culture autochtone, mais ceux-ci sont souvent oraux. Le fait qu’ils soient écrits et publiés est un phénomène plus récent, croit , une autrice qui est également chargée de cours en littérature autochtone à l’Université d’Ottawa.

Le thème de l’identité est primordial dans les œuvres écrites par les auteurs des Premières Nations, mais le plus important, c’est que ce sont d’abord nos histoires personnelles, indique Mme Gill. C’est une écriture de soi, c’est de parler de son propre vécu, et pas celui des autres, ajoute-t-elle. Il y a <q data-attributes="{"lang":{"value":"fr","label":"Français"},"value":{"html":"beaucoup d’affirmation, car c’est bien plus qu’une prise de parole: c’est [aussi] une écoute, et le public est là pour écouter","text":"beaucoup d’affirmation, car c’est bien plus qu’une prise de parole: c’est [aussi] une écoute, et le public est là pour écouter"}}”>beaucoup d’affirmation, car c’est bien plus qu’une prise de parole : c’est [aussi] une écoute, et le public est là pour écouter, note-t-elle.

Marie-Andrée Gill devant un terrain neigeux.

Marie-Andrée Gill est autrice et chargée de cours en littérature autochtone à l’Université d’Ottawa.

Photo : Sophie Gagnon-Bergeron

L’autrice explique pour sa part qu’elle a besoin de dire [son identité] et de s’affirmer. Selon elle, il y a dans la littérature autochtone un besoin de se dire dans l’histoire et dans le passé, mais il s’agit surtout d’une façon de réfléchir le passé. La littérature autochtone d’aujourd’hui devient un véritable miroir des communautés des Premières Nations.

Le dialogue entre les cultures est important, plaide de son côté la poétesse Maya Cousineau Mollen. Nous parlons de choses proches de nous, mais qui touchent les gens, pense-t-elle, avant de dire qu’elle doit écrire pour témoigner de son expérience.

Dans ce contexte, le territoire devient un passage obligé, puisqu’il fait partie de la culture et de la tradition, c’est notre identité, pense Mme Fontaine.

Ce sont d’autres narratifs, d’autres visions du monde qui sont représentées, lance Yara El-Ghadban de la maison d’édition Mémoire d’encrier. Les écrivains [autochtones] ont une histoire “invisibilisée”, mais ils appellent au dialogue, à l’écoute et [à] l’apprentissage, dit-elle.

Pour cette raison, Mémoire d’encrier va dans les territoires pour faire des lancements dans les réserves, pour se rapprocher des auteurs qui y campent leurs récits.

Et la littérature crée un dialogue entre les imaginaires, rappelle Mme El-Ghadban, pour qui la littérature autochtone contemporaine a une richesse extraordinaire.

Cette richesse vient en grande partie de sa diversité. Mais plus spécifiquement, cette littérature est une forme d’entreprise de reconstruction par la beauté, pense l’autrice Julie Kurtness. Habituellement, l’identité autochtone est très présente [dans les œuvres], mais il faut la définir nous-mêmes plutôt que par les autres.

Sauf que quand Julie Kurtness écrit, l’identité n’est pas au cœur de [ses] préoccupations. Ce que je veux, c’est que le lecteur ait envie de tourner la page, confie-t-elle.

L'autrice Naomi Fontaine.

L’autrice Naomi Fontaine.

Photo : Marcorel Fontaine

Chez Naomi Fontaine, l’écriture doit répondre à une question, qui peut souvent graviter autour de la colonisation sauvage, avec les pensionnats et les réserves. Comment ça a pu se passer?, s’interroge-t-elle. Elle écrit pour répondre à ça, pour trouver des mots pour le décrire, et pour retrouver la culture.

L’écriture devient une résistance, un geste qui s’interroge sur le passé colonial, sur ce qu’on ne connaissait pas, et l’ampleur de la colonisation qui a cherché à faire taire les membres des Premières Nations.

Une littérature qui se retrouve

Il y a un danger à trop retourner dans le passé, croit Mme Gill. Il faut actualiser [les récits], nous sommes en 2022, et ils [les Autochtones] sont dans ce monde-là, poursuit-elle, en insistant sur le fait que la littérature ne présente pas des Autochtones fantasmés, et qu’il ne faut pas tomber dans ce piège.

Pour elle, les œuvres littéraires écrites par des membres des Premières Nations présentent davantage la résurgence autochtone. Et cette littérature n’est pas là pour correspondre aux attentes ou aux schémas de la littérature occidentale traditionnelle. Elle aborde la guérison et l’affirmation, beaucoup d’affirmation, insiste Mme Gill.

Et cela passe également par se réapproprier les langues [ancestrales], ce qui nous ramène aux origines et est un baume, suggère Mme Kurtness, qui déplore de ne pas parler la langue innue. La langue est un outil de travail, mais je suis consciente qu’il me manque un bout, ajoute-t-elle, puisque la langue est une part importante de l’identité.

L'autrice J. D. Kurtness regarde la caméra.

L’autrice J. D. Kurtness, de son nom Julie Kurtness.

Photo : Sébastien Lozé

Pour elle, son bagage autochtone et son immersion dans la littérature québécoise, c’est un smoothie bien brassé. Les langues autochtones sont essentiellement liées au territoire, et elles prennent leur sens en observant la nature, et d’ailleurs, la langue innue est rattachée à la forêt.

Nous habitons le même territoire, rappelle Mme Kurtness, et nous avons le même enjeu pour préserver nos langues.

En ce sens, toutes les littératures cohabitent au Québec, et il faut avant tout rechercher ce qui nous lie plutôt que ce qui nous divise, d’après elle. L’émergence de la littérature écrite par des Autochtones s’inscrit dans cette dynamique de réconciliation, puisqu’elle montre qu’on rame dans le même canot, lance-t-elle.

Une littérature étudiée

<q data-attributes="{"lang":{"value":"fr","label":"Français"},"value":{"html":"J’ai pu voir l’évolution [de la littérature autochtone] depuis 25ans, et aujourd’hui elle atteint sa maturité","text":"J’ai pu voir l’évolution [de la littérature autochtone] depuis 25ans, et aujourd’hui elle atteint sa maturité"}}”>J’ai pu voir l’évolution [de la littérature autochtone] depuis 25 ans, et aujourd’hui elle atteint sa maturité, pense le spécialiste de la littérature autochtone au Québec, Maurizio Gatti.

Elle a fait un saut de qualité, selon lui. La littérature est un moyen que les Autochtones utilisent pour partager leurs pensées et leur imaginaire, et ils peuvent communiquer leur vision du monde avec leurs thématiques, ajoute M. Gatti. Surtout, ces auteurs ont davantage de visibilité, et il s’en dit très heureux.

Les auteurs sont à la mode, mais il faut les faire connaître, croit-il. C’est pour cela que M. Gatti a créé des textes de référence, dont sa première anthologie de la littérature autochtone en 2004. Après une deuxième édition en 2009, il prépare actuellement une réécriture de son anthologie en 2022, qui comprendra une quarantaine d’auteurs autochtones et près d’une centaine d’extraits de textes.

M. Gatti a récemment animé une conférence en France sur la littérature autochtone au Québec, et il y a convié Maya Cousineau Mollen pour qu’elle témoigne de son expérience d’autrice, de <q data-attributes="{"lang":{"value":"fr","label":"Français"},"value":{"html":"son parcours de vie et de son recueil de Bréviaire du matricule 082","text":"son parcours de vie et de son recueil de poésie Bréviaire du matricule 082"}}”>son parcours de vie et de son recueil de poésie Bréviaire du matricule 082.

Petit à petit, les auteurs explorent, suggère M. Gatti. Non seulement la vie en territoire, mais aussi leur urbanité, car beaucoup d’auteurs habitent dans les villes. C’est [aussi] la réalité qui les habite, et ils habitent cette réalité […] et la beauté, c’est que cela permet au lecteur de partager leur quotidien urbain, ajoute-t-il.

La liberté que leur offre la littérature pour raconter leurs histoires leur permet de témoigner des thèmes qui les touchent, mais aussi d’écrire sur autre chose, à l’instar de Julie Kurtness.

Des lieux et des moments propices

Au Québec, une seule maison d’édition ne publie que des auteurs autochtones : les Éditions Hannenorak, situées à Wendake.

Le travail d’éditeur de son cofondateur, Daniel Sioui, est peut-être plus difficile que pour les autres maisons d’édition au Québec. Il faut convaincre [les membres des Premières Nations] d’écrire, et il y a plus de travail en aval, confie-t-il. Mais s’il y a un plus gros démarchage à faire pour trouver de nouveaux auteurs, la plupart des gens qui sont publiés chez Hannenorak publient un deuxième ouvrage, ou même plus.

M. Sioui, qui est à l’origine du Salon du livre des Premières Nations, organise des concours littéraires pour encourager les nouveaux talents à écrire. S’il a appris sur le tas le métier d’éditeur, il a su s’entourer de nombreux collaborateurs pour l’épauler, notamment sa femme Cassandre, qui a étudié en littérature.

On entend parler [de la littérature autochtone], mais le défi, c’est d’être là pour longtemps, affirme M. Sioui, sans qu’elle devienne quelque chose à la mode, quelque chose de cyclique. Il se félicite de publier des auteurs de talent – et qui sont autochtones.

Daniel Sioui en train de lire.

L’éditeur Daniel Sioui, cofondateur des Éditions Hannenorak qui ont pignon sur rue à Wendake, a publié une quinzaine d’auteurs autochtones.

Photo : Radio-Canada / Véronik Picard

Dans le travail d’édition des auteurs autochtones, on pense au lectorat autochtone, affirme M. Sioui, qui a publié une quinzaine d’auteurs issus des Premières Nations. C’est ce que j’aurais aimé lire quand j’étais jeune, indique-t-il.

Mme El-Ghadban, de la maison d’édition Mémoire d’encrier, parle pour sa part de la relation moins prédatrice qui est nécessaire pour bien rendre compte de la littérature autochtone. Il faut décoloniser l’histoire, comme cela se fait en France ou en Amérique du Nord, et surtout décoloniser le processus éditorial, croit-elle.

Mémoires d’encrier remercie les écrivains autochtones de leur permettre de porter leur voix, et la maison d’édition fait son travail avec modestie.

La France et l’Europe commencent également à découvrir les auteurs autochtones du Québec, note Mme El-Ghadban. Ce constat est partagé par Geneviève Pigeon de L’instant même, qui indique que les romans de Julie Kurtness sont traduits en allemand, et que les droits de ses œuvres ont été achetés en France.

Il faut se frotter à l’altérité, pense de son côté le professeur de création littéraire à l’Université Laval Alain Beaulieu. La littérature autochtone <q data-attributes="{"lang":{"value":"fr","label":"Français"},"value":{"html":"est de plus en plus présente, depuis 5 ou 10ans, ça se développe","text":"est de plus en plus présente, depuis 5 ou 10ans, ça se développe"}}”>est de plus en plus présente, depuis 5 ou 10 ans, ça se développe, constate-t-il. Des autrices comme Naomi Fontaine et Marie-Andrée Gill sont passées par chez nous, ajoute-t-il, même si cette année, il n’y a qu’un seul étudiant autochtone au Département de littérature à l’Université Laval.

Le Département de littérature, de théâtre et de cinéma de la Faculté des lettres et des sciences humaines de l’Université Laval veut d’ailleurs lancer une Chaire de leadership en enseignement sur les littératures autochtones au Québec (Maurice-Lemire). Le processus de nomination d’un titulaire autochtone est actuellement en cours.

Portrait d'Alain Beaulieu.

Alain Beaulieu est écrivain et professeur de création littéraire à l’Université Laval.

Photo : Chantal Blouin

Cette chaire aura pour mission d’enseigner aux trois cycles universitaires les littératures autochtones, d’encadrer les étudiants et de mener des activités de recherche et d’animation.

Il faut que [la littérature autochtone] s’intègre et qu’elle devienne partie prenante de la littérature québécoise […], un peu comme la littérature des femmes. Il ne faut pas qu’elle soit dans un compartiment ou un silo, estime M. Beaulieu.

Des textes recherchés pour leur valeur

Geneviève Pigeon, directrice de la maison d’édition L’instant même, parle avec passion de l’écriture de Julie Kurtness, la seul autrice autochtone de son catalogue. Elle a un sens de l’humour caustique, elle a une vision du monde fabuleuse et elle a une écriture universelle. Mme Pigeon cherche la beauté du texte avant tout.

Les écrivains autochtones ont un regard sur le monde, ajoute Mme Pigeon, et sa maison d’édition recherche la perle rare. Elle admet que Mémoires d’encrier a fait un travail énorme en ce sens pour découvrir des talents, une <q data-attributes="{"lang":{"value":"fr","label":"Français"},"value":{"html":"job de bras","text":"job de bras"}}”>job de bras, mais que tous les éditeurs de livres écrits par des membres des Premières Nations ont le même désir – sans nécessairement avoir la même approche.

Yara El-Ghadban de Mémoire d’encrier se dit quant à elle fière de [leur] catalogue. C’est excitant, ce qui se passe en ce moment, indique-t-elle, voyant dans l’intérêt du public une ouverture à la découverte du présent et de l’avenir du Québec.

Une illustration représentant deux corbeaux sur une branche givrée.

La couverture du livre « De vengeance » de J. D. Kurtness publié aux éditions L’instant même, et dont les droits ont été achetés en Europe.

Photo : L’instant même

Il y a une pluralité des voix dans le monde du livre, des autochtonies, des voix à faire entendre et qui trouvent des oreilles pour être écoutées, laisse tomber Mme Pigeon.

Naomi Fontaine se voit pour sa part comme une ambassadrice, et non pas comme une porte-parole de la voix des Autochtones. Elle anime des ateliers d’écriture pour les membres des Premières Nations, et c’est quelque chose qu’elle aime faire. Pour elle, la littérature est une manière de se connaître entre nous, et elle souhaiterait devenir éditrice pour aider les nouveaux auteurs de la Côte-Nord, et pas seulement les Innus, à se faire connaître.

Il ne faut pas lire les gens pour leurs beaux yeux […] et il faut les reconnaître pour leur talent, conclut l’autrice Julie Kurtness.

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