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L’histoire
Le roman commence en révélant sa fin tragique : la mort soudaine d’Henrique, un enseignant noir dans une école du sud du Brésil, abattu en pleine rue par des policiers. Son fils, Pedro, prend la parole pour reconstituer sa vie, une manière pour celui-ci de combler son absence — son récit, au « tu », s’adresse d’ailleurs à lui. Au fil de ses réminiscences, Pedro revient aussi sur l’existence de sa mère, mettant au jour une mémoire enfouie.
(Traduction de Lara Bourdin et Emanuella Feix, Mémoire d’encrier, 253 p.)
3 bonnes raisons de lire… L’envers de la peau, de Jeferson Tenório
Comme le livre dévoile d’emblée l’événement central qui a conduit Pedro à écrire son histoire, une tension se met aussitôt en place. Qui était Henrique et pourquoi est-il mort de manière aussi violente ? Tout ce que raconte son fils nourrit graduellement l’intrigue, qu’il s’agisse de souvenirs hérités de ses parents ou d’une construction subjective de sa part. Les mailles du récit sont ingénieusement entrelacées jusqu’à former un tissu compact où se répondent les personnages, les péripéties et les époques.
Le titre du livre résume bien son projet : raconter, avec sensibilité, le quotidien et l’intériorité d’un homme noir qui paiera de sa vie l’existence du racisme systémique. Les passages sur le métier d’Henrique et sa passion pour la littérature côtoient ceux, crûment réalistes, où il est la cible de racisme « ordinaire » à Porto Alegre. Peu à peu se dessine le visage intime et pernicieux de la notion de « couleur », qui a blessé Henrique dès l’enfance. Ce message social explicite a dérangé au Brésil, où le roman a été censuré en 2024 dans trois États du Sud.
Bien qu’Henrique soit au centre du récit, le livre s’appuie sur une constellation de personnages complexes aux voix fortes. Il y a Madalena, dont la maternité est ancrée dans le conflit et les regrets. Il y a Martha, qui raconte l’expérience spécifique des femmes noires victimes de racisme. Et il y a Pedro lui-même, qui se rappelle les enseignements de son père et réfléchit à son legs. C’est également grâce aux points de vue variés qu’il fait s’entrecroiser que le roman frappe aussi fort.
Cet article a été publié dans le numéro de juin 2025 de L’actualité, sous le titre « 3 bonnes raisons de lire L’envers de la peau, de Jeferson Tenório ».