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L’écriture d’un récit comme exutoire : Ingrid Falaise raconte

 

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Source du texte: Lecture

Ingrid Falaise

Photo : Stéphanie Lefebvre

Lisa Marie NoëlPublié à 16 h 16

Écrire a sans contredit un pouvoir thérapeutique. La comédienne et animatrice Ingrid Falaise s’en est bien rendu compte en publiant Le monstre en 2015. C’est le récit de ses deux années dans un mariage toxique, au début des années 2000, dans lequel régnaient violences conjugale et coercitive. En posant le point final à son récit, elle s’est sentie libérée. Comme si le moment était venu pour elle de décrocher le boulet qu’elle traînait depuis toutes ces années.

Après le succès de son récit vendu dans plusieurs pays, Ingrid Falaise a entrepris d’écrire la suite, racontant sa reconstruction. Ont suivi la série télévisée Le monstre en 2019 et plusieurs documentaires explorant des sujets comme les féminicides (Femme, je te tue!) ou la violence conjugale (Face aux monstres, La reconstruction et L’origine des M).

J’avais besoin d’aller au bout d’une quête personnelle et sociale , indique Ingrid Falaise. Elle raconte comment l’écriture de son premier livre l’a libérée de la honte et des cauchemars.

Est-ce que l’écriture de votre récit a été un exutoire?

C’est tout à fait ça. Quand j’ai commencé à écrire Le monstre, je l’ai fait pour moi, pas pour les autres. C’était ma façon d’extirper le mal qui était omniprésent à l’intérieur de moi depuis des années. L’écriture a toujours été ma façon de transposer mes émotions. Depuis que je sais écrire, je gribouille à gauche et à droite.

Pensiez-vous que votre histoire deviendrait un livre?

J’ai commencé à écrire sans jamais penser à ça. J’arrêtais toujours après les 20 premières pages parce que ça me faisait trop mal. C’était trop difficile de continuer et je n’étais pas prête à ce moment-là. Je le mettais de côté, puis je le reprenais, mais ce n’était pas dans le but d’écrire pour publier. C’était dans le but de coucher sur papier mes émotions. C’est une forme de thérapie. C’était hyper personnel comme démarche.

Comment en êtes-vous venue à publier?

Un jour, une de mes amies m’a dit : Je connais une éditrice, Nadine Lauzon, qui serait parfaite pour toi… Je l’ai contactée juste pour voir ce que je pourrais faire […] Je lui ai envoyé mes 20 premières pages. Elle m’a rappelée le lendemain et elle m’a dit que je devais absolument continuer à l’écrire. J’ai signé un contrat et ça m’a donné l’obligation d’aller jusqu’au bout.

La femme porte des écouteurs.

Ingrid Falaise en entrevue à la radio

Photo : Radio-Canada / Olivier Lalande

Qu’est-ce que racontaient ces 20 premières pages que vous écriviez sans cesse sans être capable d’aller plus loin?

La tentative de meurtre. C’est comme ça que je commence mon livre, parce que c’est le moment le plus terrifiant de ma vie. C’est mon cauchemar que j’écrivais. Je l’écrivais au je , je l’écrivais au elle , je l’écrivais de différentes façons et je le laissais de côté […], jusqu’au jour où j’ai décidé de l’écrire au complet pour guérir.

Vous êtes-vous censurée en écrivant votre récit?

C’est comme de l’écriture automatique. Je ne peux pas me censurer, surtout pas dans un livre comme celui-là, sinon les femmes ne se seraient pas reconnues. Ce n’aurait pas été authentique. Je suis allée dans des détails assez prenants.

« Je l’ai écrit d’un jet et ça m’a fait le plus grand bien. »

— Une citation de  Ingrid Falaise

Le visage d'Ingrid Falaise en couverture du livre.

Le monstre, d’Ingrid Falaise

Photo : Libre Expression

Appréhendiez-vous le moment où les gens allaient vous lire et découvrir votre histoire?

C’est sûr que ça donne le vertige et ça fait peur parce que c’est ton intimité. C’est tellement intime écrire un récit. Les gens rentrent dans ta vie privée dans des endroits qui ne sont pas beaux. Mais ce qui est extraordinaire, c’est que la réception du public a été belle, et tellement bienveillante.

Vous avez reçu beaucoup de messages de femmes qui vous ont aussi raconté leurs histoires?

Oui et ça m’a aidée à guérir mieux parce que le fait qu’elles me racontent à leur tour leur récit a fait en sorte que je ne me sentais pas toute seule, pour la première fois de ma vie.

Encore aujourd’hui, je reçois des messages par Instagram ou Facebook.

« Quand on vit de la violence conjugale, on pense qu’on est seule au monde. En racontant mon récit, la honte est tombée. »

— Une citation de  Ingrid Falaise

Êtes-vous d’un naturel pudique ou plutôt extravertie?

Je suis pudique pour certaines choses, extravertie pour d’autres. Je suis une fille de fête avec mes amies, je peux être extravertie, mais ça me prend du temps avant de faire confiance. Je suis pudique de mes émotions. Encore aujourd’hui, me montrer vulnérable peut vouloir dire danger pour moi. Ça me prend du temps. J’ai un cercle d’amies très serré. Elles sont là depuis longtemps et j’ai extrêmement confiance en elles.

Ingrid Falaise attend à la grille d'une maison d'hébergement qu'on lui ouvre la porte.

Ingrid Falaise dans une scène du documentaire « Face aux monstres »

Photo : Radio-Canada

Qu’est-ce que ça demande d’écrire un récit qui a un potentiel libérateur?

De se connecter et de faire confiance. Il faut choisir de plonger. Parfois, on panse nos blessures et on n’a pas envie d’y retourner. Ça prend un moment où tu te dis : je vais aller à la rencontre du feu en dedans et je choisis de le faire même si ça fait mal d’aller dans mes plaies pour mieux les refermer et pour mieux les guérir.

« Reprendre son pouvoir, c’est ça que j’ai fait à travers l’écriture. J’ai écrit ma vérité. Ce pouvoir m’a tellement été enlevé dans le passé que j’ai choisi de le reprendre en écrivant ma vérité.  »

— Une citation de  Ingrid Falaise

Vous avez publié Le monstre 12 ans après ces événements. Le recul était-il nécessaire pour vous?

Oui, parce que ça fait tellement mal quand tu es en choc post-traumatique avec des souvenirs et des trous de mémoire. Tu n’as pas la tête à écrire. Il faut que tu sois prête à replonger. C’est pour ça que j’écrivais seulement les 20 premières pages. Avec du recul, j’ai pu me permettre de me dire : heille il faut que je me libère .

Le corps a vraiment une mémoire, je trouvais ça fascinant. Souvent, pendant que j’écrivais, mon corps s’est rappelé. Quand je rédigeais le chapitre où je passe trois jours aux soins intensifs, j’ai fait une infection urinaire qui est montée dans les reins. J’ai eu énormément de cauchemars, des souvenirs, des moments qui me revenaient. J’ai beaucoup pleuré en écrivant.

Quand j’ai mis le point final à la dernière page du Monstre, j’ai arrêté de faire des cauchemars. C’est comme si je me disais : c’est bon, ça ne m’appartient plus. C’est fini, je suis allée au bout, j’ai tout écrit, j’ai tout raconté, maintenant je peux mieux dormir.

Vous avez tout de même continué à explorer les sujets de la violence conjugale et de la violence coercitive dans plusieurs autres productions. Pourquoi?

Tu as beau raconter ton histoire et ton récit de contrôle coercitif, mais qu’est-ce qu’on fait avec? Pourquoi il y a des milliers de femmes qui m’écrivent, pourquoi elles se font enlever leurs enfants? Pourquoi elles se font tuer? Pourquoi le système judiciaire ne les reconnaît pas? J’avais vraiment besoin d’aller mettre en lumière tout ce qu’on me racontait et tous les témoignages que je recevais.

Véritable tremplin pour les écrivaines et écrivains canadiens, les Prix de la création Radio-Canada sont ouverts à toute personne qui écrit, de façon amateur ou professionnelle. Ils récompensent chaque année les meilleurs récits (histoires vécues), nouvelles et poèmes inédits soumis au concours.

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