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L’effondrement | Édouard Louis clôt sa fresque familiale

Paru en premier sur (source): journal La Presse

(Paris) Dix ans, sept romans, dont le dernier à paraître vendredi : à presque 32 ans, l’écrivain français Édouard Louis clôt sa « fresque familiale » avec l’histoire de son grand frère mort à 38 ans, dans L’effondrement.


Publié à 9h42

Hugues HONORÉ

Agence France-Presse

Le personnage apparaissait déjà dans ce qui fut le récit fondateur, En finir avec Eddy Bellegueule, choc de la rentrée littéraire de janvier 2014, traduit dans une trentaine de langues. Il est le sujet de L’effondrement, publié aux éditions du Seuil.

« Ce livre est la clôture d’une fresque familiale, commencée avec Eddy Bellegueule il y a 10 ans. Après cela, je n’écrirai plus le mot famille », expliquait Édouard Louis sur Facebook et Instagram fin septembre.

Ce frère avait neuf ans de plus qu’Édouard Louis, et la même mère, mais pas le même père. Quand sa mère s’est remariée, ce garçon a été rejeté par son « géniteur », comme le qualifie une autre demi-sœur de l’écrivain.

À jamais meurtri par « la Blessure » que provoqua cet abandon, comme on le lit dans le roman, le jeune homme a sombré dans les dépendances, principalement l’alcoolisme. Cette maladie lui a détruit les organes et a fini par le tuer.

« Des années d’enquête »

On se familiarise avec lui, son parcours, ses manies, ses nombreux échecs dans la vie, sa personnalité, mélange de violence et de dévouement. Le lecteur n’apprend son prénom à aucun moment.

« C’est un livre qui m’a imposé de m’éloigner du territoire de la sociologie et d’entrer dans celui de la psychiatrie et de la psychologie, pour cerner le problème de la dépression », expliquait l’auteur.

« C’est donc un livre qui déploie un tout autre langage, nouveau pour moi, et qui m’a demandé des années d’enquête, de réflexions, de détours », ajoutait-il.

Sont cités en référence non plus Pierre Bourdieu, le sociologue de la « violence symbolique », mais le fondateur de la psychanalyse Sigmund Freud ou le psychiatre suisse Ludwig Binswanger. D’anciennes compagnes du frère fournissent les détails biographiques.

Édouard Louis n’a pas fait de promotion de ce nouveau livre. Il a poursuivi en septembre, à Nancy ou Strasbourg, celle du précédent livre Monique s’évade, paru il y a moins de six mois, qui raconte comment sa mère a fui un compagnon violent.

L’hebdomadaire Marianne qualifiait ce roman d’« énième resucée de sa saga familiale », tandis que le quotidien Le Monde saluait « un vibrant récit sur le prix à payer pour échapper à l’oppression ».

« Agresser la littérature »

Édouard Louis, qui laisse peu de lecteurs indifférents, a expliqué qu’avec Monique s’évade, il avait voulu « agresser la littérature ». Il y énumérait les sommes dépensées pour permettre à sa mère cette fuite.

Dans L’effondrement, il prolonge cette entreprise en détaillant les vilenies et les revers d’un petit délinquant ordinaire, qui plonge et replonge dans les beuveries avec de mauvaises fréquentations.

L’auteur tâche cependant d’éviter ou d’atténuer les scènes-choc, à rebours de toute une tradition de littérature naturaliste dépeignant la débauche et l’obscénité des pauvres, qui hypnotisait le public bourgeois au point que Maupassant parla de « bas-fondmanie ». Ou plus récemment du livre La merditude des choses, du Belge Dimitri Verhulst, qui en 2006 décrit par le menu une famille alcoolique au dernier degré, dans un but comique, adapté en film par Felix Van Groeningen en 2009.

Plus le livre avance, plus son protagoniste déchoit. Il déçoit aussi. Son père adoptif, qui, s’il buvait beaucoup aussi, pointait à l’heure chaque matin à l’usine, n’a de cesse de lui rappeler qu’il est « un raté ». Avant de s’emporter quand il va chercher de l’aide ailleurs.

« Voilà ce qu’est la famille : d’abord elle vous chasse et ensuite elle vous reproche de fuir », remarque amèrement Édouard Louis.

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