
Livreurs pressés de l’ubérisation généralisée, dépeceurs de porcs de la malbouffe, professionnels surdiplômés de la culture et de l’éducation au rabais, coiffeuses sous-estimées : la série Les nouveaux prolétaires, qui a tracé le portrait d’un nouveau monde du travail exploité et précaire, se termine avec le cas des travailleuses domestiques sans répit.
Marie est passée du ballet aux balais. Après des études universitaires et une carrière artistique, le travail de femme de ménage, pratiqué à temps plus ou moins partiel pour survivre dans le milieu sous-rémunéré des arts, est devenu permanent.
« Des ménages, j’en ai toujours fait, y compris comme étudiante, dit Marie (un prénom d’emprunt) maintenant dans la cinquantaine. J’ai compris que c’était plus payant de faire ça plutôt que de travailler à temps plein au salaire minimum. À la longue j’en ai fait un métier. »
Une journée type permet de travailler pour deux clients montréalais à raison d’environ trois heures à la fois. Certains contrats ajoutent d’autres tâches ménagères, la lessive notamment. Elle peut alors passer jusqu’à six heures au même endroit.
« La première difficulté, c’est de trouver des clients respectueux, dit-elle. Beaucoup d’hommes cherchent des ménagères sexy. Il y a tout un marché pour ça. Je ne me laisse pas parler sur un ton condescendant non plus, et il y a un rapport de pouvoir dans ce métier. Je le sens toujours. »
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La position subalterne s’assortit d’une foule d’autres contraintes. Il faut trouver ses clients et les suivre quand ils déménagent. Le filet de sécurité reste au plus bas et percé, sans jours de maladie ni congés rémunérés.
« Je ne prends pas de vraies vacances prolongées. Je prends deux ou trois jours de suite de temps en temps. Des clients m’ont virée par texto et ont créé de gros trous cette semaine-là dans mon petit budget. La majorité de ma clientèle vit très bien, avec un condo, des voyages, deux voitures, mais ne me fait pas de cadeau. La précarité est au centre de mon travail. »
C’est le maître mot de cette série sur les nouveaux prolétaires. Le travail précaire met en
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