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Plus de 150 mots, noms propres, expressions et sens nouveaux rejoignent les pages du dictionnaire Le Petit Robert pour son édition 2026. Quelques personnalités québécoises y font leur apparition, ainsi que plusieurs mots reflétant la société moderne, comme « drag », « hypertrucage », « balado », « chill », « microagression » et « cône orange ».
Plusieurs des mots qui font leur entrée dans le dictionnaire français sont d’inspiration québécoise, alors qu’ils sont utilisés dans la province depuis un moment déjà, comme balado ou hypertrucage.
« « Hypertrucage » est un équivalent de deepfake proposé par le Québec. Je trouve que le mot est fantastique, il s’est répandu très vite », a expliqué Géraldine Moinard, lexicologue et directrice de rédaction des dictionnaires Le Robert, à l’émission Tout un matin sur ICI Première.
On voyait l’anglicisme partout, mais on voit maintenant « hypertrucage », employé au Québec, mais aussi en Europe, parce que c’est le terme qu’a choisi la loi européenne sur l’intelligence artificielle pour définir ce procédé de manipulation.
Les termes cône orange
et pelleteux de nuages
consacrés
D’autres mots ou expressions sont spécifiques au Québec ou au Canada, comme cône orange
, que Le Petit Robert définit comme un cône de chantier orange
et, par analogie, toute balise de signalisation cylindrique, orange et blanche
. Ou encore la locution pelleteux de nuages
, qui décrit une personne rêveuse, qui perd son temps à échafauder des projets chimériques
Le dictionnaire consacre aussi l’usage de plusieurs mots anglais ou anglicismes, comme l’art de la drag
, chill
et prompter
, qui signifie adresser une requête en langage naturel à (une intelligence artificielle générative)
. On y retrouve aussi le verbe débunker
, équivalent au Québec de déboulonner, qui veut dire démontrer la fausseté de (une information, une théorie)
.
Certains ajouts témoignent d’une sensibilité accrue des interlocuteurs de la francophonie après des mouvements sociaux comme #MoiAussi, comme le terme microagression
, dont le sens figuré est décrit comme tout acte ou propos d’apparence banale, généralement dénué de malveillance, mais perçu comme discriminant par la personne visée
.
D’autres mots évoquent l’actualité brûlante, comme soumission chimique
, qui fait son entrée quelques mois après la fin du procès de viols de Mazan.

Le reportage d’Elisa Serret
Trois artistes du Québec s’ajoutent aux noms propres
Chaque année, Le Petit Robert ajoute aussi une liste de personnalités connues dans sa section consacrée aux noms propres. La dernière cuvée comprend entre autres trois artistes québécois : le dramaturge Michel Marc Bouchard, le parolier Luc Plamondon et l’écrivaine Hélène Dorion.
On y retrouve également l’architecte japonais Yamamoto Riken (prix Pritzker 2024), l’auteur-compositeur-interprète suisse Henri Dès, l’auteur de bande dessinée américain Chris Ware et l’écrivain ukrainien de langue russe Andreï Kourkov.
Trois critères : fréquence, diffusion et pérennité
Géraldine Moinard a expliqué que Le Petit Robert utilise trois critères pour déterminer si un mot a une place dans ses pages : la fréquence, la diffusion et la pérennité. Pour le premier critère, on se demande si le mot dépasse un certain seuil de fréquence, s’il est employé par un nombre significatif de personnes
, explique Géraldine Moinard.
Ensuite, on se demande s’il est diffusé largement, chez un nombre varié d’interlocuteurs dans les différents médias et dans la presse. Est-ce qu’on le retrouve seulement dans un lexique très spécialisé, en médecine par exemple?
Finalement, le critère de pérennité vise à déterminer si le mot est amené à durer ou si c’est plutôt une mode passagère. La pérennité, c’est ce qui est le plus difficile à jauger, c’est pour ça qu’on va attendre un certain nombre d’années avant de faire entrer les mots. Quand ça fait 5, 10, 15 ou 25 ans, on peut normalement le faire entrer dans Le Petit Robert.
Géraldine Moinard rappelle aussi que Le Petit Robert est un dictionnaire d’usage, qui n’est pas « prescriptif » comme peut l’être celui de l’Académie française, par exemple.