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Depuis quelques années, plusieurs psychologues, motivateurs et philosophes vantent les mérites des Pensées de Marc Aurèle. Dans son dernier livre, Frédéric Lenoir se demande pourquoi cet empereur romain semble avoir réponse aux maux du XXIe siècle. Le philosophe français, qui donnera des conférences à Montréal et Québec du 11 au 15 mars, nous donne cinq raisons pour lesquelles Marc Aurèle est inspirant.
Publié à 12 h 00
Parce qu’il était puissant, mais humble
Marc Aurèle a été l’empereur de Rome de 161 à 180. Malgré la puissance de son rôle, il était « attachant », estime Frédéric Lenoir.
« Marc Aurèle est un homme d’action avec d’énormes responsabilités. On pense souvent que la philosophie, c’est très bien, mais pour les gens oisifs qui n’ont pas trop de problèmes. Marc Aurèle a été un philosophe dans l’action. Il a appliqué sa philosophie pour être plus juste, parce que la justice nous rend épanouis. Ses écrits peuvent aider les gens à mieux vivre. »
Au IIe siècle, l’Empire romain vivait une période de troubles. Des guerres, des épidémies, des trahisons. Pour Frédéric Lenoir, le parallèle avec le monde d’aujourd’hui est frappant.
« La pensée stoïcienne est tout à fait adaptée à un monde chaotique et troublé, dit M. Lenoir. Marc Aurèle nous dit que ce qui nous rend malheureux, ce ne sont pas les choses en soi, mais le regard que l’on porte sur elles. Sinon, on souffre deux fois : d’abord par la contrariété, ensuite par la colère. Certains sont capables de traverser des difficultés, d’autres en restent accablés. »
Parce qu’il refusait la colère et la haine
Marc Aurèle recommande d’accepter l’adversité et ses ennemis au point de les aimer. Frédéric Lenoir donne un exemple de cette attitude.
« Il a été trahi par un de ses généraux, qui commandait l’armée d’Orient. C’était un ami. Marc Aurèle en a été très attristé. Il était en train de faire la guerre dans le nord de l’empire et a dû retourner à Rome pour la défendre. »
PHOTO RICARDO ANDRÉ FRANTZ, WIKIMEDIA COMMONS
Statue de Marc Aurèle dans les musées du Capitole, à Rome
Avant la bataille, l’empereur a harangué ses troupes. « Il a dit qu’elles allaient se battre pour rétablir la justice et le droit, pas pour la vengeance, pas pour être cruelles. Et qu’ensuite, il faudrait se réconcilier avec les frères qui avaient trahi. »
Finalement, il n’y a pas eu de guerre parce que les officiers du général révolté ont mis à mort ce dernier et ont envoyé sa tête à Marc Aurèle. « Marc Aurèle a pleuré. Il souffrait d’être privé de la possibilité de pardonner. Il n’a pas exécuté la famille du général rebelle, comme ça se faisait généralement. Ça montre bien sa bienveillance. »
Parce que sa philosophie nous est parfois étrangement familière
La leçon qu’a tirée Marc Aurèle de la trahison de son général est que « c’est le propre de l’être humain d’apprendre à pardonner à ceux qui nous offensent », dit M. Lenoir. Comme dans le Notre Père.
« Il y a une vingtaine de maximes de Marc Aurèle qui ont l’air sorties des Évangiles. Marc Aurèle ne connaissait pas le christianisme. Les chrétiens étaient alors très peu nombreux. Il y a des convergences qui sont apparues à ce moment dans l’histoire de la pensée, dans le bouddhisme aussi. »
Parce qu’il avait demandé que ses Pensées pour moi-même soient détruites après sa mort
Marc Aurèle n’a pas été un penseur du stoïcisme. Il a écrit ses maximes pour réfléchir sur sa vie, sur les décisions qu’il devait prendre. « C’est un miracle que ce livre ait été retrouvé, plus de sept siècles après sa mort. Il avait été conservé par des soldats et un évêque byzantin l’a publié. »
M. Lenoir a divisé son livre en deux : il présente l’empereur et la philosophie, puis il organise les maximes de Marc Aurèle en grands thèmes. « Quand j’ai lu Marc Aurèle à 18, 19 ans, j’ai trouvé son livre percutant. Mais je me souviens que c’était confus. Il passe d’une idée à l’autre. Il écrit des séries de phrases qui n’étaient pas du tout destinées à être publiées. J’ai voulu les mettre en perspective, montrer leur cohérence. »
À cause de Carpe diem et Amor fati
« Il faut vivre comme si chaque journée était la dernière. » Telle est le sens profond de l’une des maximes les plus connues de Marc Aurèle, Carpe Diem, littéralement « saisis la journée ». Il s’agit d’un passage d’un poème d’Horace.
Une autre maxime célèbre associée à Marc Aurèle, Amor fati, est l’un des fondements de la pensée stoïcienne. « Il faut aimer son destin, même s’il est difficile », résume M. Lenoir. À noter que Marc Aurèle écrivait en grec et n’a donc pas utilisé textuellement ces expressions latines.
Frédéric Lenoir a lui-même été aidé par Amor fati.
« Pendant mon doctorat, j’écrivais parfois dans [le magazine] L’Express. Mon objectif principal était de travailler comme chercheur. Mais une fois ma thèse terminée, on m’a dit qu’on ne pouvait pas être à la fois journaliste et chercheur. Mes articles dans la presse avaient compromis ma carrière universitaire. Alors je suis allé voir L’Express pour avoir un poste. Mais ils m’ont dit que j’étais trop universitaire. Les deux portes étaient fermées. J’ai réfléchi et j’ai pensé que ce qui me faisait le plus rêver, c’était d’écrire des livres. Ça a marché. »
La conférence Le rêve de Marc Aurèle, de Frédéric Lenoir, est présentée à l’Espace St-Denis les 11 et 12 mars, ainsi qu’au Théâtre de la Cité universitaire de l’Université Laval les 14 et 15 mars.
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