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Si la littérature jeunesse est une boîte à outils aux mille et un tiroirs de possibilités, Marie–France Comeau, autrice de plus d’une dizaine d’albums jeunesse, en connaît chaque recoin. Par les mots, elle façonne des univers merveilleux plus grands que nature, enchantant petits et grands par son imaginaire débordant et généreux.
Votre dernier album, Un bisou coquelicot (Bouton d’or Acadie), traite avec douceur de la guerre à travers l’histoire d’Aly, qui passe le jour du Souvenir aux côtés de son arrière-grand-père et découvre les événements du débarquement de Normandie ainsi que le vécu des vétérans. Comment la littérature jeunesse s’avère-t-elle un outil particulièrement efficace pour aborder des thèmes sensibles auprès des jeunes lecteurs ?
Je suis convaincue que tout sujet sensible peut être abordé, surtout en littérature jeunesse. Ouvrir un livre, c’est ouvrir son esprit et son cœur à de nouvelles réalités. Pour Un bisou coquelicot, qui traite de la condition des vétérans, je voulais trouver les mots justes pour rendre hommage à des personnes comme mon oncle Léopold et mon beau-père Isidore, des héros sans cape ni superpouvoir qui ont fait face à leurs peurs avec un immense courage. J’ai donc passé dix ans à récolter des témoignages des deux côtés de l’Atlantique, ce qui m’a permis de créer des personnages touchants auxquels chacun peut s’identifier. Il ne restait plus qu’à associer ce texte au talent de l’illustrateur Jean-Luc Trudel, sous la direction des éditions Bouton d’or Acadie, pour faire de cet album un véritable trésor.
Qu’il s’agisse de la cuisine à travers l’album Un monstre dans ma cuisine (Bouton d’or Acadie) ou des couleurs avec l’album Au pays de Joffrey (Bouton d’or Acadie), chaque facette du quotidien se transforme en un terrain d’exploration captivant pour la littérature jeunesse. Pourquoi ces thèmes simples et familiers continuent-ils d’inspirer les auteurs et autrices jeunesse et d’enchanter les jeunes ?
Petits et grands partagent cet amour de découvrir des lieux inconnus. Dès que j’ai appris à lire, j’ai voulu lire aux plus jeunes pour leur faire découvrir ces univers où tout peut arriver, même s’ils ressemblent aux nôtres. Il est facile pour tous, tout en restant ancrés dans la réalité, d’imaginer qu’une pâte à biscuit devienne un monstre ou qu’un royaume magique soit couvert de cristaux de glace changeant de couleur avec les saisons. La réalité inspire l’imagination. Comme le disait si bien Kim Yaroshevskaya : « L’inspiration, c’est ce que votre être le plus subtil peut vous apporter, votre accès direct à la connaissance, sans intermédiaire ni enseignement extérieur. » Cela doit être vrai, puisqu’une poupée aux yeux étoilés le dit.
Selon vous, quel rôle l’album ou le livre jeunesse joue-t-il dans le développement de l’empathie et des valeurs humaines essentielles chez les enfants ?
Il existe de nombreuses façons d’enseigner l’empathie aux enfants, et la première est de donner l’exemple. Après tout, on récolte ce que l’on sème ! S’il ne faut pas sous-estimer l’intelligence émotionnelle des enfants, l’empathie reste un concept abstrait. Elle peut se définir comme la capacité à comprendre ce que les autres vivent, ressentent et attendent, en se mettant à leur place. Il s’agit de voir le monde avec son cœur. Dans nos sociétés, surtout avec le contexte mondial actuel, l’empathie doit être une priorité. Les livres sont d’excellents outils pour sensibiliser. Parmi ceux que j’apprécie particulièrement sur ce sujet, on trouve Le conte du Petit Chaperon à l’envers de Leif Fearn ainsi que Léo les chaussettes, Tommy Tempête, Sur la rue de Tout-le-Monde, L’étoile dans la pomme et Histoire de galet, pour n’en nommer que quelques-uns de la maison d’édition Bouton d’or Acadie.
Quelle est l’importance de la lecture d’albums et de romans en français dans un contexte minoritaire, où la plupart des enfants laissent le français derrière eux dès que la cloche sonne à la fin des classes ?
Je suis convaincue que la clé du succès réside dans l’art de faire naître l’amour de la langue française chez les élèves, non par obligation, mais en leur transmettant une passion pour la littérature. De nombreux discours et émissions le montrent : lire est essentiel. Si notre langue est importante, la liberté de choisir nos lectures l’est encore plus. Pour éveiller l’intérêt pour la lecture, il est essentiel d’offrir une large sélection de livres captivants. C’est pourquoi il faut investir dans nos bibliothèques et inviter des auteurs, éditeurs, libraires, passionnés… Toutes les méthodes sont bonnes pour stimuler le goût de la lecture et guider les élèves vers ce trésor de possibilités qu’est le livre.
©Photo : Mario Carrier