Paru en premier sur (source): journal La Presse
C’est au terme d’une soirée riche en émotions, sous le signe des hommages, que l’autrice de Toronto jamais bleue a appris qu’elle était la lauréate de la toute première édition du Prix littéraire Janette-Bertrand, remis mercredi au Salon du livre de Montréal.
Publié à 21 h 40
« Je n’arrive pas à croire que je suis celle qui est debout », a articulé Marie-Hélène Larochelle, la voix entrecoupée par les sanglots après avoir fondu en larmes sous le coup de la surprise.
« Je ne suis pas la gagnante ; ce sont les femmes qui sont les gagnantes de ce premier prix féministe », s’est-elle exclamée une fois au micro, sous une salve d’applaudissements.
PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE
La lauréate Marie-Hélène Larochelle entourée des finalistes Martine Delvaux et Claudia Larochelle, lors de l’annonce du prix
« Ce prix est un poids à porter. Il faut être à la hauteur désormais, être à la hauteur de Janette Bertrand et la rendre fière », a-t-elle confié à La Presse après la remise du prix.
Toronto jamais bleue, troisième roman de Marie-Hélène Larochelle paru chez Leméac, l’hiver dernier, suit les traces de femmes brisées par la vie dans la Ville Reine. Depuis son premier roman, Daniil et Vanya, la professeure de littérature à l’Université York à Toronto, où elle habite depuis 17 ans, construit une œuvre qui ausculte les différentes formes de violence et la monstruosité.
« La pandémie a rendu les personnes en situation d’itinérance beaucoup plus visibles et cette réalité plus criante. C’est ce moteur qui a été le départ de cette nécessité d’écrire sur les femmes itinérantes, qui sont en marge de la marge », a souligné Marie-Hélène Larochelle.
« C’est vraiment un livre coup-de-poing sur la détresse et le malheur qu’on ne veut pas voir, a déclaré de son côté à La Presse la présidente du jury, Pauline Marois. C’est très dur, ça vient nous chercher. Et quand on termine ce roman, on se demande comment ça se fait que des situations comme celles-là puissent exister. »
PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE
Janette Bertrand
Janette Bertrand, qui était présente pour la cérémonie, élégante comme jamais, a souligné que le roman de Marie-Hélène Larochelle avait des phrases courtes comme elle les aime et qu’elle était même un peu jalouse de ne pas avoir écrit un livre comme celui-là, ce qui a déclenché les rires dans la foule réunie dans l’Agora du Salon du livre, au Palais des congrès.
Mme Bertrand a d’ailleurs eu droit à une ovation lorsqu’elle est montée sur scène après une pluie d’hommages, entre autres des directrices générales de la SODEC et de Télé-Québec, respectivement Louise Lantagne et Marie Collin.
« Je ne pensais jamais qu’à 99 ans j’aurais un prix littéraire, moi qui ne me considérais pas comme une écrivaine. J’ai lu tous les livres [finalistes] et je n’en reviens pas de la parole libérée de ces femmes », a ajouté Janette Bertrand.
« Un symbole exceptionnel »
L’autrice Marie-Hélène Larochelle a souligné par ailleurs que l’héritage laissé par Mme Bertrand est celui d’avoir eu « l’audace de ne pas plaire ». « C’est pourquoi on l’admire », a dit la lauréate, qui nous a confié travailler sur un quatrième roman « tout aussi féministe » sur les amitiés de femmes.
Le prix qui porte le nom de Janette Bertrand est doté d’une bourse de 5000 $. Il a été créé l’an dernier au Salon du livre de Montréal pour récompenser des œuvres littéraires qui soutiennent et promeuvent l’égalité des sexes, l’autonomie des femmes et la lutte contre les violences de genre, en hommage à l’œuvre de Janette Bertrand.
« [Ce prix] est un symbole exceptionnel, a souligné Pauline Marois. Janette Bertrand a été celle qui a ouvert des portes pour les femmes, qui a témoigné, qui a écrit, qui est partie de son expérience pour nous amener vers plus d’égalité, vers une meilleure compréhension de ce qu’on vit comme femmes et du droit qu’on avait d’aller au bout de nos rêves et de nos idéaux. »
PHOTO DOMINICK GRAVEL, LA PRESSE
De gauche à droite : Claudia Larochelle, Janette Bertrand, Marie-Hélène Larochelle, Martine Delvaux, Élise Turcotte, Léa Clermont-Dion et Pauline Marois
Les titres finalistes de cette première édition du prix étaient Porter plainte, de Léa Clermont-Dion (Cheval d’août), Ça aurait pu être un film, de Martine Delvaux (Héliotrope), Les disgracieuses, de Claudia Larochelle (Québec Amérique), et Autoportrait d’une autre, d’Élise Turcotte (Alto).
« Lisez tous ces livres, a martelé Janette Bertrand. Ils nous apprennent des choses sur la vie. Faites-les connaître pour qu’ils deviennent pérennes même quand je ne serai plus là. Continuons à lire, et tant qu’on aura des humains qui vont écrire, on est sauvés ! »