Paru en premier sur (source): journal La Presse
À 34 ans, Mélissa Da Costa est la romancière la plus vendue en France, avec des ventes dépassant le million d’exemplaires en 2023. Nous avons rencontré l’écrivaine parisienne qui vient présenter au Salon du livre de Montréal son nouveau roman, Tenir debout, ainsi que l’adaptation BD de son best-seller Tout le bleu du ciel et une nouvelle édition de son avant-dernier titre, La faiseuse d’étoiles.
Publié à 11 h 00
Vous étiez chargée de communication avant de vous consacrer exclusivement à l’écriture. Mais vous avez toujours écrit…
J’ai commencé à écrire à partir du moment où on m’a appris à former des phrases. C’était un jeu. J’avais l’impression d’avoir une baguette magique, un superpouvoir ; je faisais naître une réalité qui n’existait pas l’instant d’avant et où il se passait exactement ce que je décidais. J’ai continué à écrire, des poèmes puis des débuts de romans assez rapidement. […] Mais pour moi, devenir écrivaine, c’était comme dire : « Je deviendrai une rock star, une chanteuse, une comédienne. » Donc je me suis dit que j’allais garder l’écriture en passion parce que ça me fait vibrer, mais je vais préparer un vrai métier à côté pour manger [rires].
Au moment où j’ai terminé d’écrire mon premier roman, Je revenais des autres, j’ai essayé de le déposer sur Amazon. Il ne s’est rien passé du tout, mais j’ai continué. J’ai écrit la suite, Les douleurs fantômes, que j’ai aussi déposée sur Amazon. Il ne s’est rien passé non plus. J’ai continué d’écrire et cette fois, j’ai entendu parler d’une autre plateforme, monbestseller.com. J’ai déposé Tout le bleu du ciel le 25 janvier 2018 et le 1er avril, je signais un contrat d’édition.
Tout le bleu du ciel vient d’ailleurs de paraître en bande dessinée. Avez-vous travaillé sur l’adaptation du texte ?
Ça s’est vraiment fait dans le dialogue. J’ai pu voir les planches qui étaient de simples esquisses au tout début, puis les dessins tout au long du processus. Mais j’ai complètement fait confiance à Carbone, qui s’est occupée de le réécrire et de le scénariser, et à Juliette Bertaudière pour les dessins.
J’ai préféré lâcher prise et les laisser à leur créativité toutes les deux. Ce n’était pas évident de résumer plus de 700 pages en 150 pages de planches !
Vous explorez dans vos romans des relations amoureuses ou des situations assez tragiques. Dès les premières pages de Tenir debout, un accident survient et met à rude épreuve la relation entre Éléonore et François. Dans Tout le bleu du ciel, le personnage principal, Émile, est atteint d’un alzheimer précoce. Dans La faiseuse d’étoiles, vous évoquez le deuil d’un enfant qui a perdu sa mère. Qu’est-ce qui vous inspire dans ce genre d’histoire ?
Ce que j’aime, c’est la psychologie ; décortiquer les chemins de vie, les trajectoires, les changements dans la psyché. Donc si je raconte une histoire où tout va bien, il ne se passe rien, il n’y a rien à dire [rires]. Les gens heureux n’ont pas d’histoire.
PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE
La romancière Mélissa Da Costa
Le drame est un vrai révélateur. En général, c’est une détonation, ça vient révéler et faire voler en éclats plein de choses, ça oblige à se repositionner, se remettre en question. C’est ce qui m’intéresse.
Dans Tenir debout, Éléonore a près de 20 ans de moins que François, qui a quitté sa femme pour elle. Pourquoi est-ce que c’était important qu’elle tienne le rôle de « l’autre femme » ?
Je voulais parler du couple façon handicap. J’aurais en effet pu choisir un couple établi depuis quelques années, stable. Mais je voulais que le challenge soit plus gros. Je voulais un couple qui se connaissait finalement assez peu, qui démarrait tout juste, donc qui était encore dans cette phase de passion, très centrée sur l’érotisme, le charnel, l’interdit qui venait exacerber tout ça, pour que l’accident soit encore plus brutal.
En fait, on passe d’une passion sexuelle à… plus rien. Le handicap, l’impuissance. J’ai volontairement choisi ce genre de couple sur lequel on ne pariait pas et qui, pour tout le monde, était complètement voué à l’échec.
C’est un vrai couple qui vous a inspirée, et que vous remerciez d’ailleurs à la fin du roman…
Ils sont venus me nourrir ; j’avais déjà toute mon intrigue, Éléonore, François, l’univers du théâtre, de la documentation médicale… Mais tant qu’on n’a pas le témoignage de quelqu’un qui le vit dans ses chairs, dans son corps, c’est compliqué. Je ne me suis pas inspirée de l’histoire de ce couple parce qu’elle leur appartient.
Tout ce qui concerne la vie intime de mes personnages, je l’ai travaillé avec un ouvrage médical, avec une médecin sexologue. Je n’avais pas envie d’aller poser des questions indiscrètes [à ce couple]. Mais ils sont venus m’apporter leur force, leur lumière, leur amour.
Est-ce que ça arrive souvent que des lecteurs viennent vous voir pour vous demander de raconter leur histoire ?
Ça m’arrive de plus en plus souvent, mais je ne choisis pas moi-même ce sur quoi je vais écrire. C’est le sujet qui tombe sur moi et qui bouscule toutes les autres idées. Tenir debout est arrivé quand je relisais Les douleurs fantômes, un de mes précédents ouvrages ; un des membres du couple avait eu un grave accident de ski, il se retrouvait en fauteuil roulant et le couple était en train de se déchirer. Je me suis dit qu’il fallait un roman entier sur ce sujet.
Avez-vous d’autres projets d’écriture en cours ?
Je suis sur la fin d’un roman qui devrait paraître l’automne prochain, normalement. Mais ce n’est pas définitivement sûr que ce soit celui-ci parce que j’en ai un autre qui est prêt déjà depuis deux ans. Maintenant que mon éditrice a lu celui-là, elle m’a dit : « Il faut qu’il sorte tout de suite, il est incroyable [rires] ! »
Mélissa Da Costa est en dédicace ce samedi et dimanche au Salon. Un grand entretien est également prévu dimanche, de 11 h 30 à 12 h 15.
Consultez le site du Salon pour tous les détails

Tenir debout
Albin Michel
601 pages

Tout le bleu du ciel
Albin Michel
233 pages

La faiseuse d’étoiles
Albin Michel
232 pages