Tout lire sur: Radio-Canada Livres
Source du texte: Lecture
Michel Trépanier, avec son texte Le baiser des étoiles, est le lauréat du Prix de la nouvelle Radio-Canada 2025. Le jury, composé de la journaliste et écrivaine Claudia Larochelle, du professeur et écrivain Éric Mathieu et de l’écrivaine Pierrot, a choisi sa nouvelle parmi les cinq textes dans la course finale.
La nouvelle gagnante est une lettre écrite par un père à son fils. Le jour de l’anniversaire de son fils, un adolescent troublé, un père lui écrit d’outre-tombe, entre crainte et espoir. Ce père observe son fils avec tendresse tout au long de sa journée, en ayant peur des gestes qu’il pourrait faire et sans pouvoir intervenir.
L’auteur s’est inspiré de ses relations difficiles avec son propre fils pour écrire ce texte puissant et émouvant. Alors que le père décrit ce que fait son fils, on s’inquiète, on se demande ce qu’il va faire. Car le fils, Olivier, qui a 15 ans en ce 4 mai, semble au pire moment de son adolescence. En lisant le texte, la même impuissance que le père nous submerge. Nous le suivons, nous le voyons, mais nous ne pouvons rien faire.
Nouvelle à chute dont l’écriture est sentie et crée une efficace tension. C’est un jeu de pistes et de fausses pistes; la fin ouvre sur un changement de perspective qui est habilement amené
, soulignait le comité de lecture qui a choisi cette nouvelle au moment de sélectionner les 24 textes de la liste préliminaire.
Le jury explique son choix
Claudia Larochelle, Éric Mathieu et Pierrot constituent le jury du Prix de la nouvelle Radio-Canada 2025.
Photo : Andréanne Gauthier / Florian Grandena / Justine Latour
Le jury a également été séduit par ce texte décrit comme déroutant et formé d’une constellation de métaphores qui scintillent au sein d’un ciel noir
.
Ce dialogue intérieur adressé à un « toi » mystérieux enchante par la générosité des images et nous amène dans un ailleurs qui, malgré des émotions dures comme celles du deuil et de la fatalité, nous offre un espoir à la hauteur d’un monde imparfait, peuplé de mortels. « Il y a mille raisons de mourir et pourtant aucune ne suffit. » C’est un texte qui traite d’une des formes d’amour les plus instinctives et transcendantes qui soient. Cette nouvelle nous laisse avec l’envie de vivre et de pardonner.
Son métier, enseigner la littérature
Michel Trépanier est né à Cartierville, à Montréal, et a grandi au bord de la rivière des Prairies. À propos de son enfance, il concède avoir fréquenté trop souvent le parc Belmont et joué au tennis avec les patients de l’hôpital en santé mentale Albert-Prévost. J’imagine que ça informe un destin.
Il a commencé à écrire dès l’adolescence, dès 13-14 ans, en écrivant des portraits de personnes anonymes rencontrées dans la rue et observées attentivement. Avec mes modestes moyens d’alors, je fouillais la langue pour être au plus près de la vérité de l’être que j’avais observé. Je ne savais pas trop qui j’étais. Cinquante ans plus tard, je ne le sais pas plus aujourd’hui. Mais la rencontre littéraire d’un inconnu me révélait comme le secret du monde, bien plus intéressant que mon petit moi un peu niaiseux. J’avais naïvement découvert l’essence même de la littérature.
Après des études littéraires, il a enseigné la littérature pendant 37 ans à l’université et au Collège André-Grasset. J’ai adoré vieillir entouré de jeunes gens qui ne vieillissaient jamais
, dit-il pour résumer sa longue carrière.
Durant ses années d’enseignement, il a publié un recueil de poésie, Mourir dedans la bouche, aux éditions de l’Hexagone, et deux romans, Le pire n’est jamais sûr et Jusqu’à toi, Winona, à Québec Amérique.
J’ai beaucoup voyagé ces 15 dernières années, c’est une autre façon de lire. Depuis peu retraité, j’essaie à nouveau d’écrire.
Un auteur persévérant
Ce n’est pas sa première participation aux Prix de la création. Il a fait partie de la liste préliminaire du Prix de la nouvelle en 2022 pour son texte Week-end. Il raconte comment sa participation aux Prix de la création l’a poussé à écrire et à persévérer. Avec ses contraintes d’espace et de temps, [le concours] nous impose un cadre qui bouscule notre procrastination et nous oblige à accoucher de notre texte pour le meilleur ou le pire. Sinon, on se perd en vaines rêveries et en mille retouches qui restent toujours insuffisantes.
Il nous a confié avoir soumis sa nouvelle plusieurs fois ces dernières années, dans des moutures différentes. Il l’a remaniée chaque fois pour mieux calibrer son texte et lui ajouter un supplément d’âme.
Le fait de ne pas être choisi doit être compris comme un enseignement et un aiguillon sondant notre volonté.
Une grosse surprise
Lorsqu’on lui a annoncé qu’il était le gagnant du Prix de la nouvelle 2025, Michel Trépanier était sous le choc. Je pataugeais dans une mare de fierté infantile, d’incrédulité auto-ironique et d’imposture. Comment peut-on vraiment mériter un prix aussi prestigieux?
Alors, pour se calmer, il s’est dit que son texte avait été chanceux, qu’il vivait maintenant de sa vie propre et qu’il était sûrement bien meilleur que [lui] »! « Dans ma tête, j’ai remercié mes personnages. Ils se sont libérés de moi pour aller vivre ailleurs, dans d’autres têtes, celles des lecteurs.
Le prix m’encourage à finir un recueil de nouvelles avec une nouvelle orientation et des armes mieux fourbies!
Il pourra sûrement profiter de la résidence au Centre des arts de Banff pour finaliser ce projet.
L’an dernier, c’est la nouvelle de Mathieu Blais, En plein bois, qui remportait le Prix de la nouvelle Radio-Canada 2024, sélectionnée par le jury composé de la metteuse en scène Brigitte Haentjens, de l’auteur Éric Chacour et de l’humoriste et autrice Mariana Mazza.
Une bourse de 6000 $ et un séjour d’écriture à Banff
À titre de lauréat du Prix de la nouvelle Radio-Canada 2025, Michel Trépanier recevra une bourse de 6000 $, offerte par le Conseil des arts du Canada (nouvelle fenêtre), et participera à une résidence d’écriture de deux semaines au Centre des arts de Banff, en Alberta (nouvelle fenêtre).
Les quatre autres finalistes du Prix de la nouvelle Radio-Canada 2024 se partageront 4000 $, offerts par le Conseil des arts du Canada (nouvelle fenêtre).
Quant à la personne lauréate de langue anglaise (CBC Short Story Prize), il s’agit de Dorian McNamara, qui habite Halifax (nouvelle fenêtre). On peut lire sa nouvelle You (Streetcar at Night) (nouvelle fenêtre) sur le site de CBC Books.
