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L’artiste inuk du Nunavut Nick Sikkuark, dont la carrière protéiforme puise son inspiration dans le monde des esprits arctiques, a enfin droit à sa première rétrospective au Musée des beaux-arts du Canada. Pour marquer l’occasion, l’institution d’Ottawa a réuni une centaine d’œuvres, dont plusieurs sont exceptionnelles, s’étalant sur plus de quatre décennies de travail.
Au premier coup d’œil, la sculpture titrée Esprit sur la glace flottante peut faire sourire le visiteur par son allure à la fois drôle et grotesque. Mais si on concentre son regard sur cette magnifique figure – composée en partie de fourrure de caribou et de dents d’animal –, un sentiment d’effroi surgit soudainement. La bête fantasmagorique, aussi figée soit-elle, semble prête à mordre!
Baptisé Nick Sikkuark. Humour et horreur, l’exposition porte bien son nom, à la fois par son approche étrange et insolite. L’artiste s’est inspiré de la relation ancestrale que les peuples inuit entretiennent avec leur environnement, mais aussi au cœur des mythes et des récits chamaniques.
Œuvre de Nick Sikkuark titrée « Esprit sur la glace flottante », 1996. Collection particulière. © Succession Nick Sikkuark
Photo : Musée des beaux-arts du Canada
Né en 1943, Nick Sikkuark aimait répéter que ses sculptures sont le fruit de son imagination. Celle-ci trouve ses origines au plus profond de ses racines culturelles combinant l’humour à des évocations plus ténébreuses. Les chamans et les démons, toutes les choses que les personnes ne peuvent se représenter. Quand je les sculpte, je les fais vivre
, disait-il avant sa mort en 2013.
Quand je crée une sculpture ou un dessin, je veux que les gens se demandent : “Qu’est-ce que c’est? Qu’est-ce que ça veut dire?”
Œuvre de Nick Sikkuark titrée « Oiseau-chaman avec bola », 1988. © Succession Nick Sikkuark
Photo : Musée des beaux-arts du Canada
La conservatrice au Musée des beaux-arts du Canada, Christine Lalonde, raconte en entrevue qu’elle a rencontré Nick Sikkuark il y a 10 ans pour lui faire part de son intérêt d’organiser une exposition sur ses œuvres. NDLR]. Il était ravi par l’idée et par sa future collaboration, mais malheureusement il est décédé quelques mois plus tard.”,”text”:”On s’est rencontrés à Kugaaruk [village situé dans l’extrême nord du Nunavut, NDLR]. Il était ravi par l’idée et par sa future collaboration, mais malheureusement il est décédé quelques mois plus tard.”}}”>On s’est rencontrés à Kugaaruk [village situé dans l’extrême nord du Nunavut, NDLR]. Il était ravi par l’idée et par sa future collaboration, mais malheureusement il est décédé quelques mois plus tard.
Même si le départ de l’artiste a eu des répercussions sur l’initiative de la conservatrice, celle-ci a continué à développer son projet d’exposition, mais sous la forme d’une véritable rétrospective qui aura pris une décennie à voir le jour.
J’ai commencé à travailler conjointement avec la famille de Nick Sikkuark. Cela a été une expérience formidable puisque cette collaboration avec ses proches a permis une compréhension plus fine de l’homme et de son cheminement créatif
, explique Mme Lalonde.
Elle souligne que l’artiste a été tout au long de sa carrière un conteur atypique, proposant des œuvres à la fois très imaginatives et expérimentales. Il était connu dans sa communauté autant comme chasseur et pourvoyeur que comme artiste. Il insufflait à ses créations une dimension très personnelle issue de sa connaissance du territoire et des matériaux, et du travail de ses mains.
Une œuvre de Nick Sikkuark, sans titre (Esprit du ver?), v. 2000. © Succession Nick Sikkuark
Photo : Musée des beaux-arts du Canada
S’affranchir des conventions
La diversité des modes d’expression de Nick Sikkuark marque les esprits. Livres, dessins, peintures et sculptures, le corpus est impressionnant. L’homme s’est évertué depuis 1960 à créer des œuvres d’art dans le mode de la variété, parfois mené par la contrainte matérielle.
Sikkuark a dans un premier temps pratiqué la sculpture et le dessin à temps perdu, avant de devenir un artiste professionnel inventif
, souligne la conservatrice, avant de louer ses capacités à s’affranchir des conventions.
Elle regrette que son talent et son art n’aient pas connu la reconnaissance qu’ils méritent du vivant de l’artiste, alors qu’au sein de l’art canadien et international, Sikkuark est considéré comme un précurseur faisant partie de la première génération d’Inuit à faire connaître leurs productions visuelles au reste du monde.
La rétrospective arrive à un bon moment en mettant en lumière l’incroyable inventivité de l’homme qui n’aura cessé d’émerveiller et de surprendre.
L’exposition Nick Sikkuark. Humour et horreur est présentée au Musée des beaux-arts du Canada, à Ottawa, jusqu’au 24 mars 2024.