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Nos critiques de bandes dessinées d’ici et d’ailleurs

Paru en premier sur (source): journal La Presse

Parmi les bandes dessinées parues récemment, voici six titres qui ont retenu notre attention.


Publié à 9 h 00

S’ouvrir aux autres, se découvrir soi-même

Au-dedans a valu à Will McPhail un Bédéis Causa 2025, après avoir été primé plus d’une fois en et remarqué aux Eisner Awards lors de sa publication originale en anglais. Cet imposant et touchant récit pose en somme des questions assez simples : comment se connecter avec soi-même et aux autres ? Comment ne plus rester en surface des choses, se limiter à des échanges de propos anodins avec les autres humains que l’on croise et cesser de vouloir avoir l’air de ce qu’on n’est pas ? Nick, jeune illustrateur, se le demande et Au-dedans montre avec brio sa quête d’authenticité, bousculée par sa rencontre avec une femme, Wren, mais aussi par la maladie de sa mère. Will McPhail possède un sens du dialogue juste, ce qu’il faut d’humour pour éviter la lourdeur, et un trait émouvant, couplé ici à un usage judicieux de la couleur et du noir et blanc. Voilà une œuvre qui résonne.

Au-dedans

Au-dedans

Will McPhail

404 Graphic

271 pages

9/10

L’amour, le dating, le désir…

Flora vient de rompre avec Simon. Il a été son premier et son seul amour, alors elle a du mal à passer à autre chose. Pour y arriver, elle retourne là où elle avait rencontré sa première flamme, l’appli de rencontre Besous. Au fil de ses rendez-vous, pour la plupart foireux, elle s’interroge sur son rapport à la sexualité qui, comprend-elle peu à peu, n’est pas le même que tout le . Le désir est une chose capricieuse, sinon rare, chez elle… Floramaille, l’autrice de cette aux airs d’autofiction, évite les lieux communs dans cette chronique d’une vie ordinaire qui ne l’est pas tout à fait, grâce à son écriture tamisée, ponctuée de drôlerie, mais surtout de franchise. Son approche graphique colorée, dynamique dans le découpage et pas du tout réaliste, contribue à mettre en valeur son propos et le caractère intime de son récit d’un romantisme inhabituel.

Pétales et pépins

Pétales et pépins

Floramaille

Nouvelle adresse

200 pages

6,5/10

De la SF avec des idées

Fred Duval (Renaissance) fait équipe avec Ingo Römling (Chroniques de l’univers) pour Metropolia, récit mêlant les codes du et de la science-fiction. Un peu comme Blade Runner. Sasha Jäger vit dans le du XXIIsiècle, une mégapole où, comme partout ailleurs sur la planète, l’énergie manque et chaque pas fait par un être humain a une valeur. Ce ne sera pas un détail dans l’enquête qu’il devra mener pour élucider le meurtre d’un homme qui venait d’acheter une œuvre numérique ressemblant aux crânes de diamant de Damien Hirst. Son tueur est lié à un immeuble emblématique des années 2030, construit par un architecte autrefois perçu comme un visionnaire. Metropolia ne se distingue pas tant par sa facture visuelle que par les idées mises de l’avant dans le scénario qui, sans être révolutionnaires, testent de nouvelles pistes, en mêlant IA, capitalisme extrême et crise climatique, sans verser dans le récit postapocalyptique. Intrigant, sans être haletant.

Metropolia

Metropolia

Duval et Römling

Dargaud

55 pages

6,5/10

Devoirs de mémoire

Il y a dans Trous de mémoires une volonté affichée de la part de Nicolas Juncker d’interroger les répercussions durables en France de la guerre d’Algérie. Ce n’est pas ce qui, dans cet album au propos ambitieux, retient le plus l’attention d’un lecteur québécois, pour qui cette guerre et ses cicatrices semblent bien loin. Or, le cœur du récit, lui, est universel. En racontant comment un projet de musée consacré à un célèbre photographe français ayant témoigné de la guerre d’Algérie met à l’envers un village entier, Nicolas Junker interroge notre rapport à la mémoire, individuelle et collective. Comment notre perception de l’histoire est-elle influencée par la mémoire de nos proches ? Comment le pouvoir cherche-t-il à instrumentaliser la mémoire pour raconter ce qui lui convient ? Comment la mémoire est-elle traitée par les artistes et les historiens ? Et tout ça est mis en image de manière parfois époustouflante et avec un usage éloquent de la couleur.

Trous de mémoires

Trous de mémoires

Nicolas Juncker

Le Lombard

149 pages

7,5/10

Truffé de lieux communs

Claire vit par et pour les mots : elle est traductrice et professeure spécialisée dans un créneau particulièrement difficile, la traduction de . Sa vie bascule toutefois lorsqu’elle subit un AVC et qu’elle se réveille avec un trouble du langage qui ne se résorbera pas, la forçant à réévaluer sa vie. Elle peut toutefois compter sur Beatriz, une femme avec qui elle tisse une amitié après avoir participé à une opération de nettoyage de berges en Galicie, dans le nord-ouest de l’Espagne, après une marée noire. Loin de la ville et près de la mer, elle trouve l’espace qu’il faut pour imaginer son avenir. La maladie et son impact mis à part, le synopsis de Lointains mes mots ne sort malheureusement pas des lieux communs. Ce retour aux sources de Claire dans un petit village peuplé de gens authentiques menant une vie simple et enrichissante, bien que traversé d’éclats de vérité, frise le cliché.

Lointains mes mots

Lointains mes mots

Sandrine Revel et Anaële Hermans

Dargaud

111 pages

5,5/10

Une vraie histoire de monstre

Madame Choi et les monstres raconte l’histoire vraie de Choi Eun-hee, légende du cinéma asiatique sur le mode du récit biographique, mais en empruntant aussi au conte. La trame de cette bande dessinée romanesque de Sheree Domingo et Patrick Spat repose sur des faits réels : en 1978, le fils du dictateur nord-coréen Kim Jong-il fait enlever son actrice fétiche et puis son ex-mari réalisateur pour les faire travailler à la gloire de la dictature de son . Sous la contrainte, le couple tourne sept films, dont Pulgasari… œuvre devenue culte. Dans le , ce récit inspiré d’un conte ancien rebaptisé Bulgasari est intercalé et éclaire à sa manière la trame empruntée à la vie réelle où les monstres ne sont pas toujours imaginaires.

Madame Choi et les monstres

Madame Choi et les monstres

Sheree Domingo et Patrick Spat

170 pages

7/10

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Dans cet article

Will McPhail Au-dedansFloramaille Pétales et pépins



Duval et Römling MetropoliaNicolas Juncker Trous de mémoires


Sandrine Revel et Anaële Hermans Lointains mes mots


Sheree Domingo et Patrick Spat Madame Choi et les monstres

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