Image

«Notre guerre intérieure»: l’Ukraine au jour le jour

Le Devoir Lire

On s’habitue à tout. À une économie dans le coma. À vivre dans un pays où huit millions citoyens sont réfugiés à l’étranger. À se cacher dans des souterrains chaque fois que retentissent des sirènes antiaériennes. À la mort devenue banale.

« Pourquoi le ne commémore-t-il pas le dixième anniversaire de l’agression russe et préfère-t-il parler du deuxième anniversaire de la phase totale du conflit ? » demande l’écrivain ukrainien . Car cette guerre avait commencé bien avant l’attaque à grande échelle de l’Ukraine par la du 24 février 2022, une attaque « attendue pendant longtemps et pourtant inattendue ».

Pour Kourkov, comme pour la plupart des Ukrainiens, elle a commencé en février 2014, dans la foulée de l’assassinat des manifestants du Maïdan, après l’annexion de la Crimée et de l’apparition des deux entités séparatistes sur le territoire ukrainien.

Mais elle n’est peut-être en réalité qu’un épisode d’un roman encore plus ancien. « Pendant près de quatre cents ans, la Russie a combattu l’identité ukrainienne, la langue ukrainienne », écrit-il. À quelque chose malheur est bon : « Le temps où l’on ne savait rien sur l’Ukraine est révolu. »

Suite du Journal d’une invasion (Noir sur Blanc, 2023), dans lequel Andreï Kourkov nous faisait la chronique des cinq premiers mois de l’invasion russe, Notre guerre quotidienne nous fait vivre de l’intérieur cette fois les événements entre août 2022 et février 2024. Quelques-uns de ces textes proviennent de discours prononcés dans le cadre de tribunes internationales, mais la plupart ont paru dans le Financial Times à .

Andreï Kourkov nous raconte le quotidien, pas banal du tout, des Ukrainiens en temps de guerre. C’est le rôle que le romancier s’est imposé, son effort de guerre en attendant qu’il lui soit possible à nouveau de faire du roman. À travers ses récits informés et vivants, il évoque les bombes qui tombent du ciel et les campagnes de financement participatif, la difficile réalité de la conscription, les coupures d’eau et d’électricité, l’incroyable ingéniosité des Ukrainiens ou la recette de fabrication d’une « bougie de tranchée ».

Andreï Kourkov jette aussi un regard parfois dubitatif sur les guerres culturelles et l’annulation d’artistes et d’écrivains russes, qui ont touché notamment l’auteur de Maître et Marguerite, Mikhaïl Boulgakov.

La guerre, comme toujours, comme partout, ne fait pas de quartier. Malgré tout, l’humour ne fait pas encore défaut aux Ukrainiens, dit-il. « Plaisanter est sans doute le moyen le plus simple de rester optimiste. » C’est la manière de l’auteur du Pingouin (, 2000), un petit d’humour et d’humanité dans lequel un écrivain adoptait un pingouin dépressif après la faillite du zoo de . Une manière inimitable qui lui a permis de devenir l’écrivain ukrainien le plus connu dans le monde.

Même s’il est rare que l’espoir et la réalité se recouvrent, « les Ukrainiens demeurent inébranlables », nous assure Kourkov, en donnant l’exemple de ce voisin à la campagne qui s’accroche à sa promesse de ne pas se raser jusqu’au jour de la victoire — au grand malheur de son épouse.

Notre guerre quotidienne

★★★ 1/2

Andreï Kourkov, traduit par Johann Bihr et Odile Demange, Noir sur Blanc, , 2025, 256 pages

À voir en vidéo

[...] continuer la lecture sur Le Devoir.

Dans cet article

Andreï Kourkov Notre guerre quotidienne



Palmarès des livres au Québec