Éclairer le sombre
Monique Deland évite avec habileté l’écueil que l’usage des couleurs impose lorsque le sujet abordé est l’atelier. Chaque fois, le recours à telle ou telle teinte se révèle ici essentiel. À cet égard, il faut souligner le remarquable travail éditorial tant dans la reproduction des oeuvres sur papier que dans les pages entièrement colorées accompagnant les textes. Tel bleu de Prusse, tel jaune de Naples ou, plus rare, ce « caput mortuum. “Tête morte”, en français. […] Une sorte de brun foncé, violacé, riche et transparent. Fait avec le linceul des momies ». Nous entrons dans ce domaine des pigments avec discrétion : « D’un côté, l’alphabet. L’austérité des signes, noirs sur fond blanc. La grande ascèse. // De l’autre, l’atelier vivant. » Cet attachement aux arts s’impose contre la défaillance du monde, les contraintes débilitantes des atrocités, « car les couleurs touchent droit au coeur ». Pour consolation, la poète nous confie que « les mots jettent de grandes ombres mauves sous la peau ».
Noir de suie
★★★1/2
Monique Deland, Le Noroît, Montréal, 2023, 136 pages
Tentée par l’abîme
Le titre du dernier recueil de Roxane Desjardins souligne vraiment le sens de ce qui s’y obscurcit. La déprime de la voix poétique ne cesse d’y ouvrir ses plaies : « je mourrai seule, trop tard, humiliée, béate. / On m’aura arraché mes pelures, / je mourrai sans me risquer, / damnée, mûre. » Difficile d’envisager plus sombre avenir. « Charmante prison, / Cinq heures c’est un puits. / […] En même temps, / de ce côté-ci les semaines s’éternisent, / se chevauchent, / stériles, aménagées. » Et au milieu de ce désastre d’âme se fait entendre,
[...] continuer la lecture sur Le Devoir.