Courageux regard
La poète regarde la vie des femmes sans fard, sans crainte. Sa voix évoque parfois celle de Josée Yvon : « leur tronche de pétasse racée […] aux coulisses de sauce / aux shifts de caissière […] les porcs ont voulu d’elles ». Or, des femmes qui, pour se sortir de la misère, « ont de toute façon fini / par pleurer ces abus /dans les bras d’un mec / qui les a consolées / leur a dit je t’aime ». « Pour un visage neuf », que ne ferait-on pas ? À travers diverses figures d’amoureuses prêtes à se donner entières, de grand-mère, d’amantes ou de futures mères, la poète percute les silences, fait éclater par de fortes images les heurts et malheurs de l’existence des femmes. Pour la poète, il s’agit d’ausculter l’être vivant à des moments où tout est possible, liberté comme soumission, révolte comme abandon. À travers des figures parfois hyperréalistes, parfois oniriques (ce qui lui permet des dérives surréalistes), l’autrice piste le langage adéquat pour traduire les drames perpétuels.
Hugues Corriveau
Envies
★★★1/2
Anne-Marie Desmeules, Le Quartanier, Montréal, 2022, 136 pages
Désirs voraces
Dans la mouvance de la poésie–récit, Fragments de monstres réussit à soutenir l’intérêt. La poète revisite les lieux de ses jeux premiers ou de ses premiers émois, inquiète de n’être jamais celle qu’elle souhaiterait. La vitalité d’un mal-être s’exprime sans cesse dans ce recueil où les images se bousculent : « Je suis aussi belle qu’un pissenlit / dans une tondeuse à gazon. » Vivre de ses doutes, en faire le moteur de son devenir, car « tout aura alors un sens / à tout jamais
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