Des vies pas lissées
Les premiers patrouilleurs montréalais circulaient de nuit dans les rues pour protéger les commerces, lançant « all is well » au détour des artères, s’arrogeant le surnom de « bazouelles », nous apprend la première incursion poétique de Ralph Elawani, Tout ce que la police ne sait pas. Les personnages qui tombent sous leurs matraques, mais surtout, ceux qui échappent à leur vigie ou qui n’auront pas suscité leur intérêt, nourrissent les scènes du recueil. Ralph Elawani, collaborateur au Devoir, nous invite ainsi dans une ville aux mille visages, couvant d’une méticuleuse empathie des gens inouïs : « un confesseur crépusculaire », « un passeur / qui disait que le recyclage / est une arnaque » et ceux confinés « dans la camisole / de la résilience ». La police tient ensemble le rosaire lâche de ces portraits, mais c’est au prix de savoureuses tirades caustiques : « on saisit quantité d’anxiolytiques / et de bescherelle de contrebande / où servir et protéger / n’ont que des formes / pronominales ». Flirtant parfois avec l’inquiétante étrangeté, larvé d’ironie, Tout ce que la police ne sait pas amuse tout en tendant la main à une vie que le grand pouvoir néglige.
Tout ce que la police ne sait pas
★★★1/2
Ralph Elawani, Poètes de brousse, Montréal, 2025, 124 pages
Rouler des yeux jusqu’à nous
Stéphane Lafleur a joué de son talent et de sa sensibilité dans plusieurs champs artistiques, multipliant les coups de circuit. Il n’est donc pas tout à fait surprenant de le voir emprunter cette fois le chemin de la poésie, avec un premier recueil, Poudre à danser, qui baigne dans l’univers qu’on lui connaît. Conjuguant un art du paradoxe songeur
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