Source : Le Devoir
Dans sa nouvelle offrande, Heather O’Neill (Mademoiselle Samedi soir, 2019) s’amuse avec les contrastes comme le ferait une Amélie Nothomb qui aurait du souffle. Beaucoup de souffle. Voire trop. Roman foisonnant campé dans deux quartiers de la Montréal fantasmée de la révolution industrielle, le Mile doré et le Mile sordide, Perdre la tête alterne entre l’opulence et la misère, entre le sublime et le grotesque, entre l’innocence et la dépravation.
« Marie se rendait compte que son amitié avec Sadie était la chose dont elle était la plus fière, et pour laquelle elle aurait fait n’importe quoi. » À travers l’amitié improbable de deux jeunes femmes, la prodigieuse autrice montréalaise signe un roman résolument féministe où elle fait éclater les bases du patriarcat comme on casserait les lacets d’un corset victorien pour s’en extirper.
Marie Antoine et Sadie Arnett — toute référence à la Révolution française et au divin marquis n’est pas du tout fortuite — paraissent provenir d’un conte de fées. Blonde aux yeux bleus, la première est la future héritière d’une raffinerie de sucre ; orpheline de mère, elle a un père qui répond à tous ses caprices. Brune aux yeux bruns, la seconde est une aspirante écrivaine issue d’une famille bourgeoise conservatrice et désargentée ; aux yeux de son père politicien et de sa mère indigne, elle n’est qu’une nuisance pour l’avenir de son frère insignifiant.
Femmes révolutionnaires
De l’adolescence à la mi-vingtaine, Marie et Sadie verront leur amitié mise à rude épreuve. Malgré la haine qui s’installe entre
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