Jouer avec le sens d’un mot peut déconcerter. L’écrivain quadragénaire Julien Gravelle, originaire de France, installé au Saguenay–Lac-Saint-Jean comme guide de plein air, puis comme intervenant dans un centre de ressources pour hommes, nuance le terme « féminicide ».
Pour lui, une femme tuée par son conjoint « n’est sans doute pas morte parce qu’elle était une femme », mais plutôt parce que son meurtrier « était un homme ».
Loin de nier l’existence d’un mépris historique des femmes chez nombre d’hommes, Gravelle préfère insister sur la lourde responsabilité masculine dans le crime plutôt que sur la fatalité du mépris.
Il juge que devant la passivité morale de l’indignation, « la notion qu’il puisse y avoir quelque chose à réparer dans la socialisation masculine est absente ». Voilà l’idée maîtresse de son essai subtil Nos renoncements, une « réflexion sur la masculinité et la violence ».
Les hommes et leurs émotions
L’écrivain estime que les hommes renoncent trop à leurs émotions, qu’ils associent souvent à l’efféminement. Tout comme la féministe américaine Rebecca Solnit (née en 1961), il soutient que « la masculinité est une renonciation ».
Selon lui, « la quête éperdue de l’autosuffisance », trait très viril, mènerait à l’isolement, puis un lien s’amorcerait alors entre masculinité et tentation de la violence. Gravelle souligne qu’il faut « réparer dans la socialisation masculine » un manque flagrant d’action constructive. Il s’indigne de voir que « la part consacrée au Québec à la prévention de la violence auprès des hommes, les principaux auteurs de violence conjugale et d’homicides intrafamiliaux, est ridiculement faible ».
Mais l’évolution récente du féminisme le comble d’espoir. Si celui-ci, constate l’auteur, « adresse depuis toujours une revendication à la société, celle d’une pacification des mœurs », il constitue aujourd’hui un nouvel « universalisme » qui concerne tous les êtres humains.
Le féminisme a bien changé : il n’est plus, discerne Gravelle, « un simple rééquilibrage entre le monde des femmes et celui des hommes, mais l’abaissement de toutes les frontières de genre qui font que, selon le sexe qui nous est assigné, telle ou telle tâche nous revient ». Par exemple, l’écrivain se réjouit de voir qu’« en 30 ans, le temps passé par les hommes avec leurs enfants a augmenté de 65 % en Amérique du Nord ».
Dommage que des stéréotypes affaiblissent l’originalité de Gravelle, écrivain qui se donne pourtant comme mission de les répudier ! En voici un exemple : « La profondeur que confère la vulnérabilité, c’est ce qui fait que ma compagne pleure devant des films tristes et moi, non. »
Au contraire, l’égalitarisme des genres, cet idéal qui hante Gravelle, ne mériterait-il pas, par l’émotion ressentie devant la beauté artistique, que l’homme et la femme, du moins parfois, se réconcilient dans les larmes ?
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