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Prendre conscience

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Paradoxe émouvant pour les tenants de l’intercompréhension, mais appropriation discutable pour ceux qui jugent que la cause autochtone doit se défendre par les intéressés eux-mêmes, Pardon aux Iroquois, de l’écrivain américain blanc Edmund Wilson, publié dans le New Yorker en 1959, sous forme de livre en 1960, est réédité en français, version hier introuvable. Selon la postface amérindienne de Vine Deloria, il s’agissait de l’ « le plus aigu et le plus pénétrant » sur le sujet. Il révélait aussi un « esprit de lutte ».

Le critique Edmund Wilson (1895-1972), voix de la bourgeoisie anglo-protestante jadis dominante, compte des ancêtres venus en Nouvelle-Angleterre au XVIIe siècle, mais comprit l’importance littéraire de gens issus des cultures catholiques nord-américaines, jusqu’alors regardées de haut. Il fut l’ami et le mentor de Francis Scott Fitzgerald, romancier américain, dont la souche catholique, pourtant ancienne en Amérique, entachait la gloire, et il découvrit le talent de la Québécoise Marie-Claire Blais.

Mais l’intérêt pour l’altérité culturelle se transcende lorsque Wilson s’aperçoit que sa propriété, héritage familial, dans l’État de New York, se situe en territoire iroquois ou tout près. Il commence à se passionner pour les Amérindiens. « J’avais, raconte-t-il, pénétré un monde aussi différent des que l’est n’importe quel pays étranger. » Traduits par Solange Pinton et précédés de « Les Mohawks, charpentiers de l’acier », par Joseph Mitchell, ses aveux sont lourds de sens.

« Je demande pardon aux Iroquois, écrit-il, et je veux essayer d’expliquer ici pourquoi il est possible de méconnaître à ce point les Indiens, et pourquoi il est difficile à ceux qui se soucient d’eux d’amener les autres à s’y intéresser. » Arrivés bien longtemps avant nous en Amérique, poursuit-il, les Autochtones « ne s’adaptent pas, et pour la plupart ne veulent pas s’adapter, à la vie étrangère que nous avons apportée ».

Je demande pardon aux Iroquois et je veux essayer d’expliquer ici pourquoi il est possible de méconnaître à ce point les Indiens, et pourquoi il est difficile à ceux qui se soucient d’eux d’amener les autres à s’y intéresser.

À la source de ce que Wilson appelle « la renaissance iroquoise », son essai, pour Deloria, annonça que « les Iroquois amenèrent presque toutes les tribus indiennes des États-Unis à s’aligner sur leur théorie de vue selon laquelle il convient de reconnaître aux tribus indiennes le statut international des protectorats ». Ce projet sociopolitique pourrait-il aplanir ce que Wilson voyait comme la « différence fondamentale » entre le collectivisme autochtone et les droits de propriété individuels d’origine européenne ?

Ou est-ce un simple rêve ? Soucieux de retrouver leur nom ancestral, les Montagnais sont redevenus les Innus, les Hurons, les Wendats, mais les Mohawks, la nation iroquoise si proche de nous, dont le surnom est une insulte forgée par des ennemis algonquins et sacralisée par la langue anglaise, auront-ils le rêve fou de redevenir les Agniers, comme les appelaient nos historiens à partir de leur nom iroquois ?

Extrait de Pardon aux Iroquois

 

Pardon aux Iroquois

★★★ 1/2

Edmund Wilson, Lux, , 2022, 296 pages

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