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Prophétesse | Un symbole de courage et de résistance

Paru en premier sur (source): journal La Presse

L’artiste iranienne Baharan Baniahmadi, qui vit à Montréal depuis 2018, campe ce premier roman remarquable (récompensé par le Nouvel Apport du festival Metropolis Bleu et du Conseil des arts de Montréal) dans son pays d’origine.

Mis à jour à 9h00

Prophétesse est l’histoire d’une enfant de 7 ans, Sara, qui grandit dans un quartier pauvre de Téhéran. Tout au long du récit, qui s’étale sur quelques années, c’est elle qui raconte le fil des évènements, d’abord avec sa voix de fillette profondément attachée à sa sœur aînée, Setayesh, qu’elle suit comme son ombre.

Par une journée étouffante où les deux filles sont contraintes de rester dehors, comme chaque fois que leur père reçoit ses amis pour fumer de l’opium, elles se retrouvent à errer dans les ruelles et le terrain vague où traînent les garçons du voisinage, avec lesquels il leur est interdit de jouer. Setayesh ne reviendra jamais de cette sortie. Et Sara verra comment un homme du quartier que tous les enfants appelaient « oncle », en signe de respect et de confiance, l’agressera pour ensuite la faire disparaître. Lorsqu’il sera enfin tenu pour responsable, avant d’être exécuté, il se défendra en disant que Setayesh l’avait allumé parce qu’elle était aguichante.

Traumatisée par le drame, Sara sombre dans un mutisme complet et se voit pousser des poils au visage chaque fois qu’un homme s’approche d’elle, comme par un étrange mécanisme de défense. C’est à ce moment que le roman prend une tournure métaphorique, alors que la fillette voit une femme de 114 ans prendre possession de son corps – une femme qui porte le poids de toutes ses sœurs opprimées.

À mesure que Sara grandit, toujours habitée par l’esprit de la vieille femme, elle se tourne vers la religion et commence à prêcher auprès des filles de son quartier pour qu’elles se protègent en ne montrant que leur laideur au monde. De victime, elle se métamorphose en combattante, se reconstruisant jusqu’à ce qu’elle réussisse à se défaire des entraves du passé.

En imaginant Sara, qui devient le symbole de toutes celles qui ont réussi à se frayer un chemin « à travers des milliers d’années d’oppression », l’autrice montre qu’il est possible pour les femmes de prendre possession du maigre pouvoir dont elles disposent dans une société aux traditions séculaires contraignantes, comme celle de son pays d’origine.

Elle montre également, sans la pourfendre, que la religion peut servir de refuge aux victimes de ces mêmes bourreaux qui s’en servent pour justifier leurs actes barbares. Qu’elle n’a pas, en définitive, à être synonyme d’oppression et d’injustice.

Baharan Baniahmadi explique à la fin du roman avoir choisi le prénom de Setayesh en hommage à une fille afghane qui a été violée et assassinée en Iran, et s’incline devant toutes les femmes qui luttent pour leurs droits dans son pays natal. À sa manière, son personnage de Sara incarne le courage et la force de toutes celles qui refusent de se soumettre.

Prophétesse

Prophétesse

Baharan Baniahmadi (traduit de l’anglais par Annie Pronovost)

Marchand de feuilles

276 pages

7,5/10

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