Paru en premier sur (source): journal La Presse
Il y a des métiers qui se conjuguent au rythme de la passion. Et chez Québec Amérique, cette passion a été le moteur des 50 dernières années.
Publié à 1h15
Mis à jour à 8h00
Pour souligner cet anniversaire, la maison montréalaise a eu l’envie de faire connaître le métier d’éditeur en lançant un magazine illustré de plus de 150 pages, qui est offert gratuitement ces jours-ci dans les librairies et salons du livre.
Ce magazine, explique la présidente Caroline Fortin, lève le voile sur un métier méconnu — un métier de l’ombre, à son avis, puisque l’éditeur doit s’effacer derrière l’auteur. Mais derrière l’éditeur se déploie toute une chaîne opératoire qui mène à la création d’un livre.
La particularité, chez Québec Amérique, c’est que tous ceux qui participent à l’élaboration des livres – des éditeurs aux designers graphiques – sont en fait des employés de la maison.
« On est vraiment comme une famille. Et ma préoccupation la plus grande, c’est de garder mon monde », confie Caroline Fortin, qui a repris en 2020 les rênes de l’entreprise fondée en 1974 par son père, Jacques Fortin.
Diversité et indépendance
Quand on entre dans les bureaux de Québec Amérique, c’est d’abord par le café Chez l’Éditeur, rue Saint-Hubert, où l’équipe a emménagé en 2017. « Le café, c’était mon projet », lance la présidente. À l’époque, elle voyageait beaucoup et elle se souvient de son passage aux Éditions Grasset, à Paris, où une boutique accueille les visiteurs à l’entrée. Elle se rappelle aussi cette lectrice qui s’était rendue jusqu’à leurs bureaux pour acheter un livre. « Je me suis dit : c’est ce qu’il nous faut. Je voulais un lieu où on peut ouvrir les portes de la maison, où les gens se sentent bienvenus. À New York, [la librairie] Strand a un café et j’adore cet endroit. »
Enivrés par les arômes de café, on peut découvrir dans cet espace feutré des livres parmi les plus de 2000 titres actifs que Québec Amérique compte dans son catalogue. Des livres sur tous les sujets, des essais, des romans, des albums jeunesse comme des ouvrages sur le tricot, puisqu’elle s’est toujours assurée de demeurer une maison d’édition généraliste, où l’on trouve de tout pour tous les types de lecteurs. Où le seul mot d’ordre est, depuis les débuts, de présenter des catalogues de saison diversifiés. « C’est ça, la saveur de Québec Amérique : on est indépendants dans tout ce qu’on fait. On revendique l’indépendance de voix qui ne sont pas associées à autre chose que notre passion et le fait que c’est un texte qui mérite d’être lu. »
Il n’y a aucune science parfaite [pour savoir quel livre va toucher un grand public]. Chaque saison, il y a des surprises. Être éditeur, c’est une gestion de risques quotidienne.
Caroline Fortin, présidente de Québec Amérique
Depuis près de 35 ans qu’elle travaille pour la maison, Caroline Fortin a eu le temps de voir le métier se métamorphoser. Avec l’internet et les réseaux sociaux, entre autres, qui ont profondément transformé le milieu et les façons de faire. « Tout a changé », dit-elle.
Il y a deux ans, Québec Amérique a également commencé à distribuer une partie de son catalogue directement en Europe, où des auteurs comme Jean-François Beauchemin ont eu un grand succès — le magazine français Télérama a notamment inclus dans son palmarès des 20 meilleurs livres de 2023 son roman Le Roitelet (vendu à 50 000 exemplaires en France).
Tous ces bouleversements, ni elle ni son père n’auraient pu les prévoir. « Et si on me demande ce que ce sera dans 10 ans, je serais incapable de répondre à la question. » Fort heureusement, la relève est présente. Caroline Fortin a la chance d’avoir six actionnaires à ses côtés pour assurer l’avenir de la maison. Mais pour l’instant, elle continue de prendre les choses un livre à la fois.