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Salon du livre de Montréal | La fable de l’écrivain

Paru en premier sur (source): journal La Presse

Rencontrer Miguel Bonnefoy, c’est un peu comme tomber sur un vieil ami et reprendre la conversation exactement là où on l’avait laissée, avant de se faire complètement happer par son enthousiasme et sa verve pétillante. Nous avons profité de son passage au Salon du livre de Montréal pour discuter avec l’écrivain franco-vénézuélien de son nouveau roman, Le rêve du jaguar, qui a séduit les jurys du prix Femina et de l’Académie française cet automne.


Publié à 7 h 00

Laila Maalouf : Le rêve du jaguar est inspiré de l’histoire de vos grands-parents, le célèbre cardiologue Antonio Borjas Romero, orphelin qui a grandi dans une grande pauvreté à Maracaibo, au Venezuela, et sa femme, Ana Maria Rodriguez, qui a été la première femme médecin de sa région natale. Mais vous avez pris certaines libertés pour les besoins du roman…

Miguel Bonnefoy : L’idée était de trouver la bonne distance pour être à la fois proche de cette mythologie familiale, de cette légende, de cette fable, mais suffisamment éloigné pour pouvoir se laisser tenter par la fiction, recréer certaines choses, modifier, éliminer un personnage, en rajouter un autre, rééquilibrer, confronter des forces et se dire : voilà, je suis en train d’écrire un roman, mais ce n’est pas une hagiographie familiale. […] Ma tante, par exemple, n’apparaît pas dans le livre alors que c’est un personnage fondamental et essentiel dans ma vie. Son histoire est belle et tragique et pourrait donner tout un livre. […] Mon grand-père et ma grand-mère se sont séparés quand ils avaient autour de 50 ans, mais j’ai voulu faire en sorte que dans le livre, leur histoire d’amour dure jusqu’à la fin. Ça fait que dans deux générations, mes filles ne garderont comme témoignage qu’une très belle histoire d’amour dans leur mythologie familiale. […] Ma mère, en finissant le livre, était émue aux larmes parce qu’elle me disait : « Tu as écrit l’histoire que j’aurais voulu vivre. »

Le rêve du jaguar a remporté deux prix littéraires prestigieux. Qu’est-ce que ces récompenses représentent pour votre carrière d’écrivain ?

C’est comme si on te donnait plus de vent pour mieux faire tourner ton moulin, davantage d’engrais pour mieux faire pousser tes plantes. Les prix littéraires te permettent de t’accouder pour pouvoir avancer mieux et avoir du temps pour écrire un livre peut-être plus vaste, plus grand, plus audacieux, plus téméraire. Et c’est exactement ce que j’ai envie de faire maintenant. J’attends que la tempête passe, ce tourbillon de rencontres, d’interviews, de voyages, pour revenir à ce que je suis vraiment, c’est-à-dire un moine copiste qui, chez lui, dans le silence et la solitude, essaie de faire quelque chose avec du rien.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Miguel Bonnefoy

Vous êtes né à Paris d’une mère vénézuélienne et d’un père chilien, et vous avez beaucoup voyagé en raison du travail de votre mère, qui était diplomate. Où vous sentez-vous chez vous ?

Dans une librairie [rires]… ou dans une bibliothèque. N’importe où. Maintenant, j’habite à Toulon, alors que je n’ai aucune attache avec Toulon. Je sais que je n’y vivrai pas toute ma vie, qu’à tout moment, je vais bouger de nouveau et que je vais vivre dans d’autres pays, probablement dans d’autres langues. Et il est très probable, en fait, que je continue à faire ça toute ma vie, car c’est ce qui me plaît. C’est comme un virus que tu as en toi parce que tes parents te l’ont transmis, parce qu’eux étaient des voyageurs. Et quand j’examine mon histoire familiale – probablement comme celle de n’importe qui –, je me rends compte que je répète des schémas familiaux, soit de sédentarisme, soit des schémas de migration. Et moi, dans ma famille, il n’y a que des migrants ; soit des exilés pour des raisons politiques, soit des auto-exils, soit juste un goût du voyage, mais sans cesse des deux côtés, il n’y a que ça : le mouvement, le voyage. Je ne fais fatalement que répéter.

Vous père était romancier également. Est-ce que c’est lui qui vous a transmis sa passion de l’écriture ?

Mon père a toujours écrit des livres et ma mère a été attachée culturelle de l’ambassade du Venezuela dans différents pays. Donc j’ai toujours grandi là-dedans. J’ai baigné dans les livres et je savais que j’avais envie d’écrire depuis l’adolescence. Depuis 13, 14, 15 ans, j’avais cette fascination pour l’écriture, pour les écrivains, j’étais un très grand lecteur. C’est ce qui m’a toujours plu.

Est-ce que votre mythologie familiale continue d’alimenter votre écriture ?

Il y a encore mille histoires à raconter. Il y a des personnages que j’ai frôlés, mais que je pourrais développer demain… un peu comme font les Américains avec leur spin-off [rires].

Miguel Bonnefoy est en dédicace jusqu’à dimanche au Salon. Un grand entretien est également prévu samedi, de 16 h 15 à 17 h.



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Le rêve du jaguar

Le rêve du jaguar

Miguel Bonnefoy

Rivages

294 pages

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