Source : Le Devoir
«Il faut être exigeant », déclarait Serge Bouchard en conclusion du Moineau sauvage, un documentaire consacré à sa vie réalisé dans le cadre de l’émission Les grands reportages, en 2021. Exigeant, l’anthropologue, écrivain et homme de radio l’a été jusqu’au bout des ongles. Envers lui-même, d’abord, astreignant sa pensée à demeurer en mouvement, son esprit à rester curieux, son regard, à s’émerveiller, et son écoute, à être active. Envers ses interlocuteurs et envers le public aussi, qu’il invitait à la sagesse, à la nuance, à l’ouverture et à l’introspection.
Son décès, en mai 2021, a créé une onde de choc à travers la province. Plus qu’un artiste ou un homme de science, le Québec perdait une voix ; celle de la raison, diront certains, l’une des rares à résister à la pulsion contemporaine de l’instantanéité, à refuser de se camper dans une position, à soupeser les soubresauts de sa conscience.
« L’épinette noire, gloire de la préhistoire, est une antenne qui nous relie à l’éternité, écrit-il dans La prière de l’épinette noire, recueil paru à titre posthume réunissant de brefs éditoriaux lus à l’émission radiophonique de C’est fou, diffusée à ICI Première. Elle nous insuffle une sagesse morose, une mélancolie du long cours. C’est l’arbre sur lequel je m’appuie, là où je repose mon esprit, mon dos brisé, mes jambes mortes. L’arbre sous lequel je bois ma tasse de thé, résolu, fatigué, heureux devant le petit feu qui sent si bon. »
Pour plusieurs, Serge Bouchard faisait figure d’épinette noire, pavant la route du
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