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Thomas-Louis Côté : 20 ans au service de la bande dessinée

 

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Qu’ont en commun Charles Aznavour, Joséphine Bacon, et Thomas- Côté? Ils ont tous été récipiendaires du Prix Samuel de Champlain, remis par l’Institut -Canada. Depuis 20 ans cette année, Thomas-Louis Côté fait rayonner la autant dans la province qu’à l’international.

Directeur de BD, un organisme entièrement dédié au 9e art, Thomas-Louis Côté a vu son intérêt pour la bande dessinée naître, comme bien des gens, dans les classiques franco-belges.

Mes parents m’achetaient un Tintin par semaine pendant une année, mes grands-parents me donnaient des Spirou. Et après, les bibliothèques ont fait le travail pour me donner le goût d’autres lectures que les classiques, raconte celui qui a été désigné Chevalier des arts et des lettres du ministère de la Culture en France.

Son poste à la direction générale est arrivé un peu par hasard, en fréquentant le Festival de la bande dessinée francophone qu’il avait découvert aussi… un peu par hasard. L’événement fondé en 1988 par Sonia Gagnon et Réal Fillion se tenait à l’époque à Place Fleur de Lys.

Thomas-Louis Côté lors de la conférence de presse conjointe du Salon international du livre de Québec et du festival Québec BD.

Photo : Radio-Canada / Olivia Laperriere-Roy

Thomas-Louis était un habitué de l’événement et il s’intéressait surtout aux artisans. Je prenais plus de temps à parler aux auteurs qu’à faire les files pour les dédicaces. Il se souvient qu’en 2004, il avait entendu des mécontentements de la part des bédéistes. C’est à ce moment qu’il a pensé s’impliquer sur le conseil d’administration. En décembre de la même année, il se retrouvait dans l’organisation.

Par une tempête parfaite, le poste de directeur des communications au théâtre Périscope qu’occupait Thomas-Louis a été aboli. Au même moment, le directeur du Festival de la bande dessinée a quitté son emploi. Le CA lui a proposé de prendre les commandes de l’organisme en juin 2005.

Mettre en lumière les artistes du Québec

Lorsque Thomas-Louis a pris les rênes, l’événement attirait plutôt les collectionneurs grâce à une forte présence d’auteurs européens. Les quelques auteurs québécois étaient moins mis de l’avant, chose que le nouveau directeur voulait corriger. Quand j’ai pris le festival, il y avait un seul Québécois qui avait fait l’affiche et c’était Thierry Labrosse, qui publiait en Europe. Il y avait moins de publications québécoises, faut dire, précise-t-il.

Le festival avait bonne réputation, mais avait quelques difficultés que j’ai tenté de régler en cours de route.

Une citation de Thomas-Louis Côté

Pour la première fois en 2005, le festival de bande dessinée rejoignait le Salon international du livre de Québec. Mêmes dates, même endroit. En plus d’avoir accès aux visiteurs du salon, les éditeurs, majoritairement à , n’avaient pas à se déplacer à Québec deux fois. Il était donc plus facile de tisser des liens avec eux. C’était le début de plusieurs collaborations durables.

Oui, le Salon [international du livre de Québec], c’est une belle opportunité. Il y a un grand nombre de visiteurs, les gens adorent la bande dessinée, mais je trouve ça intéressant d’aller dans d’autres lieux, explique celui qui a métissé la BD avec d’autres disciplines artistiques comme le conte, l’improvisation, la poésie et le cirque.

Des artistes à l'œuvre.

L’impro BD mélange l’improvisation théâtrale et le dessin.

Photo : Courtoisie Québec BD

Les partenariats dont rêvait Thomas-Louis se sont multipliés. Que ce soit avec les bibliothèques, les musées, des cafés, des débits de boisson ou même avec des événements hors Québec.

Devant l’engouement grandissant, le Festival de la bande dessinée francophone de Québec est devenu Québec BD. L’organisme produit toujours un festival, mais aussi une foule d’activités tout au long de l’année.

Faire de Québec une ville de bande dessinée

Même si Montréal demeure la métropole culturelle, la ville de Québec se démarque avec un bassin d’auteurs que Thomas-Louis trouve encourageant. En dynamisant le milieu avec des projets stimulants, on encourage les auteurs à rester à Québec.

Québec BD a d’ailleurs annoncé l’inauguration de la toute première Maison de la BD au Canada. Ce projet qui verra le jour le 1er mai 2025 trotte dans la tête de M. Côté depuis très longtemps. L’idée d’implanter un lieu autour de la bande dessinée doit venir de mon premier voyage à Angoulême en 2006, où j’avais vu le Musée de la bande dessinée et je trouvais ça donc ben le fun!

Il aura fallu près de deux décennies pour mener à terme ce rêve. J’ai essayé d’en parler à plusieurs institutions… Il y a toujours eu une bonne écoute, mais il n’y avait pas eu de résultat. J’ai beaucoup travaillé pour que tout soit à Québec. J’essaie de pas développer pour faire des initiatives ailleurs. C’est le rôle de chacun dans sa région.

Québec étant une ville littéraire de l’UNESCO, plusieurs initiatives sont possibles.

Des cases de bande dessinée.

Le dessinateur belge Benjamin Cuvelier a illustré son passage à Québec.

Photo : Ben / Benjamin Cuvelier

La BD qui rayonne

La capitale est le territoire principal des activités de Québec BD, mais aussi le point de départ d’un rayonnement international pour la culture québécoise.

Une des premières choses que Thomas-Louis Côté a faites comme directeur général, c’est de visiter ses homologues du Festival de la bande dessinée d’Angoulême, le plus important événement du genre dans la francophonie.

J’ai toujours un peu ce côté là où des fois, sans me poser de questions, j’embarque sur des choses.

Une citation de Thomas-Louis Côté

Il est revenu emballé de ce qu’il avait vu. J’ai été confronté au fait que c’est vraiment un grand événement, c’est gros, on a pas les mêmes budgets. Mais j’ai fait d’autres rencontres…

Plusieurs personnes dans une foire du livre.

En 2017, Thomas-Louis Côté était à la Foire du livre de Francfort pour aider un ami qui organisait la présence française pour la bande dessinée. Il s’est retrouvé entouré d’ et d’Angela Merkel.

Photo : Radio-Canada / Mathieu Diez

En plus de la France, plusieurs pays font partie de la liste où la bande dessinée québécoise a été exposée grâce aux relations de Thomas-Louis, dont le Japon, Cuba, l’Algérie, le Liban et l’Angleterre. Et c’est loin d’être terminé. Je suis en discussion avec des gens de Conakry, en Guinée. C’est des échanges, c’est pas nécessaire des partenariats officiels. J’agis souvent à titre de conseiller. Pour la sélection d’auteurs, comment les contacter, le financement pour le déplacement d’auteurs…

Toutes ces actions ont un impact sur la vie des bédéistes. L’auteur et illustrateur Paul Bordeleau a pu bénéficier d’une résidence à Bucheon, en Corée du Sud, à l’automne 2023. Il nous aide beaucoup, affirme Paul Bordeau. Je vois vraiment qu’il a mis le Québec sur la map à l’international.

L’auteur montréalais Jeik Dion s’est envolé pour la Chine avec ses illustrations. Thomas-Louis m’a grandement aidé dans ma carrière, souligne le dessinateur qui a adapté Aliss de Patrick Senécal en bande dessinée. Il m’a présenté des gens extraordinaires et m’a fait vivre mes plus belles expériences professionnelles. C’est pas un chevalier pour rien!

Depuis quelques années, Thomas-Louis sélectionne seulement les projets plus porteurs. Sinon, je serais toujours partie. Et ça ne se peut pas.

Les deux hommes sont à l'extérieur.

En Corée du Sud, lors de la résidence de l’auteur Paul Bordeleau.

Photo : Courtoisie Paul Bordeleau

Des rencontres marquantes

Thomas-Louis laisse une trace dans la vie des bédéistes avec qui il voyage, mais ceux-ci en laissent également une dans la sienne. Je trouve ça précieux. Grâce à son métier atypique, il a également la chance de rencontrer des auteurs qui sont parfois des idoles de jeunesse.

Il chérit particulièrement le moment où -Claude Fournier, qui dessinait Spirou lorsque Thomas-Louis était jeune, l’a invité à dormir chez lui, en Bretagne. C’est surréaliste un peu de pouvoir faire ce type de rencontre là et de développer des relations qui vont au-delà des relations simplement d’organisateur de festival et d’auteur.

La palissade du chantier de la bibliothèque Gabrielle-Roy.

Québec BD avait eu le mandat d’embellir le chantier de la Bibliothèque -Roy. Le projet avait été confié à l’artiste Guillaume D. Cyr. (Photo d’archive)

Photo : Radio-Canada / Tifa Bourjouane

La bande dessinée lui a permis de développer des relations assez fortes pour même prendre des vacances avec ses comparses.

Toutes ces raisons font que malgré l’énorme charge de travail, Thomas-Louis Côté continue de multiplier les projets en plus du festival. D’ailleurs, ce dernier fêtera son 40e anniversaire, en faisant le plus vieux festival de bande dessinée au pays.

L’homme de passion est bien conscient qu’il reste encore des défis pour la bande dessinée, même si le genre littéraire est de plus en plus populaire. Il faudra, entre autres, chasser l’idée que le 9e art est destiné seulement aux enfants. Parce qu’il y a encore beaucoup d’adultes qui ont ça en tête malgré tout.

Le festival Québec BD bat son plein jusqu’au 13 avril. Thomas-Louis pourra se reposer un peu après… jusqu’au prochain projet!

Palmarès des livres au Québec