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«Toucher la terre ferme»: le mal de mer de la maternité

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« J’avais toujours pensé que je deviendrais quelqu’un d’autre à l’instant précis où il sortirait de moi. J’avais cru que la lumière s’éteindrait et se rallumerait d’un coup, comme dans les soirées surprises d’anniversaire. » À l’orée de sa maternité, Julia Kerninon ne soupçonnait pas le chahut qu’une petite broussaille de quelques livres allait faire dans son existence. Dans son troisième , Toucher la terre ferme, l’écrivaine offre le des errances et des bonheurs de sa quête pour réconcilier la femme et la mère en elle.

On la retrouve d’entrée de jeu en déséquilibre : « Dans cet état, alcoolique, fiancée, dépassée par mon fils, prolixe littérairement, j’essayais de concevoir un bébé dans la torpeur de la canicule mondiale. » Elle peine à conjuguer ses ancrages identitaires, comme s’il manque un pont à son existence, pour lier la jeune femme qu’elle avait été à la mère qu’elle est devenue.

C’est en rebroussant chemin que l’avenir se met en place. Contre la maternité qui l’avait dépouillée d’une part d’elle-même, Kerninon revient sur ses amours de , sur ces nuits devant la dactylo à nouer des histoires, puis sur sa rencontre avec celui qui est aujourd’hui son époux et le de ses enfants : « Toute ma vie, je m’étais réveillée avant les garçons pour sortir au petit matin faire des courses et préparer les pancakes de mon enfance, et toujours les garçons avaient repoussé mes petites assiettes pleines d’espoir. Quand je l’ai vu, lui, verser le sirop d’érable en souriant, ma vie s’est illuminée. »

Armée d’un lyrisme épanoui et d’une prose à la fois ample et précise, l’écrivaine épluche les multiples couches de son histoire et se révèle, femme-somme, libre et assumée, avec ses paradoxes, ses ambitions et ses failles. Dès lors, il n’y a plus d’avant, il n’y a plus d’après-maternité, il n’y a qu’un présent qui se poursuit.

Kerninon remet en question l’idée reçue que l’on naît mère avec l’arrivée du premier enfant. Ici, la maternité convoque une somme d’expériences, un état d’être et une volonté de s’inscrire dans le vivant. Sur le chemin de sa nue-propriété, plus qu’un rôle de mère, elle assume la grande danse de son existence, dans laquelle elle invite ses enfants.

  

Toucher la terre ferme

★★★ 1/2

Julia Kerninon, Annika Parance Éditeur, , 2022, 96 pages

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