Paru en premier sur (source): journal La Presse
Quand on est aussi productif que David Foenkinos, normal de ne pas publier un grand cru chaque année. C’est le cas de Tout le monde aime Clara, roman gigogne où une histoire en amène une autre, et dont le liant suscite peu d’adhésion.
Publié à 7 h 30
On retrouve bien sûr dans ce nouveau roman tous les ingrédients qui font qu’on aime l’auteur de La délicatesse et du Mystère Henri Pick : l’élégante mélancolie, la narration légèrement ironique, le sentiment amoureux décortiqué, le pouvoir de l’art. Mais c’est comme si, cette fois, Foenkinos avait eu de la difficulté à faire prendre sa mayonnaise.
Peut-être est-ce à cause de son concept, où la Clara du titre n’est pas tant le personnage principal que la source à partir de laquelle irradient toutes les histoires. Alors que certaines sont menées à terme, d’autres sont abandonnées en chemin ou à peine dessinées, et l’ensemble n’est pas d’égal intérêt. N’est pas Maylis de Kerangal qui veut.
Difficile de parler de Tout le monde aime Clara, qui comporte quelques revirements qu’il vaut la peine de préserver. On peut dire par contre que c’est un roman sur toutes sortes d’amours, celui qui s’effrite comme celui qui ne meurt jamais, ou l’inébranlable amour parental. Un roman aussi sur les coïncidences qui changent le cours d’une vie et sur les hasards qui n’en sont pas, et qui prend littéralement une tournure ésotérique dans la dernière partie –, il faut s’y accrocher fort… pour ne pas décrocher.
C’est aussi un roman de personnages, que Foenkinos aime saisir à un moment précis de leur existence, parfois pendant quelques paragraphes, parfois traversant tout le roman, narrateur omniscient hyperactif qui a de la difficulté à garder sa concentration. Résultat : si on s’attache vraiment à Alexis, le père de Clara, les autres sont souvent flous. Ainsi, quand arrive le tour d’Eric Ruprez, écrivain dépressif et prof de création littéraire dont l’histoire semble être le vrai cœur du roman, on ne sait plus trop sur quel pied danser. Alors qu’elle aurait probablement mérité un livre à elle seule, cette histoire dans l’histoire, aussi belle soit-elle, arrive trop tard.
Et Clara dans tout ça ? Elle demeure un mystère, sorte d’alter ego de la figure de l’auteur, capable de lire dans le passé et d’inventer l’avenir, personnage-symbole qui manque de chair.
Foenkinos nous a tellement enchantés par le passé qu’il n’est pas question de le renier ni même de bouder le plaisir de retrouver son imaginaire fertile et romanesque. Même si aujourd’hui ce plaisir est plus fugace, on sait bien qu’il fera mieux encore souvent.
En librairie le 19 mars

Tout le monde aime Clara
Gallimard
193 pages