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Souvent béni par la foudre, riche en branches traîtresses ou en troncs creux : de tous les arbres de la Création, l’arbre généalogique semble bien le grand maudit. En témoigne Imelda, roman de l’écrivain écossais John Herdman, où se concentrent avec un brio inquiétant toutes les tares susceptibles de gangrener une famille.
Orpheline d’un père missionnaire mordu par un serpent africain et d’une mère morte des fièvres, la fragile Imelda aux yeux « gris et doux » est recueillie, dans les années 1950, par les membres de la famille Agnew. A côté d’un père falot et d’une mère esseulée se détachent les deux frères : Hubert, géant roux, fragile et bienveillant, qui s’adonne à des études de philosophie, et Frank, cadet aussi fluet que nocif, tout en traîtrise et fielleuses manigances. Le père ayant confié la gestion de ses terres à son beau-frère, l’écrasant major Robert Affleck, oncle d’Imelda, flanqué de son âme damnée, Johnny Restorick, sorte de gothique capitaine Crochet, la vie au domaine tourne au drame. Promise à Hubert, mais très (trop) proche de Frank, Imelda tombe enceinte. L’événement démantèle la famille, qui voit la mort subite de l’aîné entraîner celle de parents désespérés, Frank finir à l’asile et Imelda, dont l’enfant est confié à des fermiers, disparaître pour finir terrassée par l’alcool, le major restant maître des lieux. Qui est le père d’Imelda ?, se demande-t-on.
Mais, surtout, qui dit vrai et qui voit faux ? C’est le génie de Herdman de nous offrir, en lieu et place d’une tragédie linéaire, une suite de récits qui alterne les visions et nous plonge dans le gouffre : après la vision mégalomane et dévastatrice de Frank, enragé de haine contre son « yéti » de frère, survient celle du major, tout en pragmatisme pondéré et sens des responsabilités, un plaidoyer pro domo qu’annule une révélation quant à son vice profond. L’arbre des Agnew avait des racines pourries – c’est l’accablante vérité finale d’un roman qui talonne en noirceur Le Maître de Ballantrae, de Robert Louis Stevenson (1889), ou les sombres romances de Nathaniel Hawthorne ou des sœurs Brontë.
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