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Tranquillisez-vous ! Elle est là, au fond du couloir, la cité que vous quêtez avec tant de fièvre ; la demeure que vous peinez à trouver occupe, elle, un recoin dans la pièce à côté ; quant à l’homme qui vous obsède, il trône, lui, quelques centaines d’étages au-dessus de votre tête. Conçue en 1929 par le romancier tchèque Jan Weiss (1892-1972), un Pragois revenu amputé et typhique des camps russes de prisonniers, promoteur en Europe centrale, à l’image de Karel Capek (1890-1938), de sombres fictions marquées par la première guerre mondiale, La Maison aux mille étages dresse sa masse et déploie sa démence architecturale au cœur de la science-fiction européenne.
Se réveillant soudain, vibrant d’une angoisse cauchemardesque et couché sur le tapis rouge d’un escalier sans fin, le narrateur (sans doute est-il, comme le voudrait une lettre trouvée dans sa poche, un certain Petr Brok) se lance à la recherche d’Ohisver Muller, le maître et concepteur du « Mullerdôme », cette maison-monde où l’univers entier, hommes et lieux, tient dans cet empilement de « mille étages » où règne un ordre farouche et dictatorial. De halls en corridors, de chambrettes en salles de bal, ce périple visionnaire, marqué de rencontres carnavalesques, ponctué de massacres et hérissé de masques étranges, le mènera vers la machinerie centrale où se tapit le maître mabuséen de ce lieu exponentiel. Superbement traduite, une dystopie qui tangue entre les fantasmagories géométriques d’Escher et les projections cauchemardesques de J. G. Ballard.
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