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En matière de grands périls fantasmatiques, l’histoire fait preuve d’un chromatisme intense. Depuis le « péril jaune », né à la fin du XIXe siècle, tablant sur la mémoire « cavalcadante » de Huns hirsutes et la submersion de hordes tartaro-mongoles, et le « péril rouge », advenu en octobre 1917 et résolu à subvertir une Europe occidentale repue, naïve et somnolente, jusqu’au « péril brun », qui, défait en 1945, avec la fin de l’Etat nazi, fermente toujours aux marges ultradroitières du monde politique.
Partant de cet éventail, de quelle couleur doter la figure de Roman von Ungern-Sternberg (1886-1921), seigneur de la guerre impitoyablement biographié par l’historien russe Leonid Youzefovitch ? Sans doute devrait-on mêler les trois : « jaune », car ce condottiere misait sur l’ample coulée galopante des cavaliers des steppes d’Asie centrale pour régénérer dans le sang et par le feu la vieille Europe bourgeoise et humaniste ; « rouge », car bien que « Blanc de Blanc » et viscéralement russophobe et antibolchévique, il incarne cette vision sanglante d’un grand Est menaçant ; « brun », car antisémite et gouvernant son host avec une violence et une cruauté irrationnelles.
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