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Un quartier vaut mille mots | Redonner vie au Faubourg disparu

Paru en premier sur (source): journal La Presse

Dans Mélasse de fantaisie, Francis Ouellette brosse le portrait cru de son enfance dans le quartier Centre-Sud, dans les années 1980, plus précisément dans les vestiges du Faubourg à m’lasse. À travers la violence et des amitiés anodines, la précarité et la famille, le roman raconte l’histoire d’une communauté qui se serre les coudes et se donne des coups. La Presse a retracé les pas et les souvenirs de l’auteur, guidée par ce dernier.


Publié à 1h39

Mis à jour à 7h00

Logement HLM

Toute ma famille habite le même quadrilatère, entre les rues Poupart, Maisonneuve, Dufresne et Ontario. Notre HLM est direct au centre.

Plusieurs légendes urbaines tentent d’expliquer l’étymologie du Faubourg à m’lasse, ce quartier ouvrier francophone, mais ce qui est certain, c’est que la proximité du port de Montréal, qui recevait des barils de mélasse, a joué un rôle dans son nom.

Si le quartier n’existe plus depuis des décennies, des descendants des gens qui y résidaient ont encore un sentiment d’appartenance au « Faubourg ». C’est notamment le cas de la famille de Francis Ouellette, dont trois générations n’ont jamais habité hors de ses limites.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

La ruelle de la rue Logan et la cour arrière de l’immeuble où l’auteur a grandi.

Pour l’auteur, le cœur de cette petite enclave, c’est le HLM de la rue Logan où il a grandi. L’immeuble de logements, sa cour arrière et la ruelle se transforment en théâtre urbain, qui rappelle le travail de Michel Tremblay. « Mais légèrement plus violent… pas mal plus violent », badine l’écrivain. Sur les balcons, les voisins sont parfois les observateurs, parfois les acteurs, que ce soit pour des scènes de bagarres, des soirées (très) arrosées, des peines d’amour.

« C’est là que tu vois tes premières vicissitudes, explique Francis Ouellette. Ce HLM-là, ç’a été le contact pour moi avec tout ce qui constitue la vie humaine et les paradoxes qui vont avec. »

Le parc Olivier-Robert

Les modules de jeu en rondins et en pneus qui ressemblent à une piste d’hébertisme. La grosse glissade en métal qui cuit au soleil. La grande poutre pour se tenir en équilibre, ben trop haute.

Pour Francis Ouellette, un des endroits qui a été le plus transformé dans le secteur est le parc Olivier-Robert, qui a rouvert en 2023 après des travaux de réfection. Les nouvelles installations modernes du parc, situé à deux pas de l’école primaire que fréquentait l’auteur dans les années 1980, ont grandement changé et sont maintenant beaucoup plus sécuritaires. Pour l’écrivain, ça reflète l’évolution des mœurs et l’importance de l’enfant dans la société, un concept peu répandu lorsqu’il était plus jeune.

« À cette époque-là, c’est comme si c’était un prérequis que les enfants allaient s’endurcir à force de se casser des os dans ce parc-là », lance-t-il.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Le parc Olivier-Robert

Si cette pensée peut sembler plus associée à l’époque qu’au quartier, ce qui se démarque, c’est la nécessité de s’endurcir. En effet, les rues du Faubourg, à l’instar du parc, n’étaient pas les plus sécuritaires.

Si le parc avait son lot de risques, c’est aussi là que les jeunes du coin ont bâti des amitiés solides et sont tombés amoureux. « Ç’a été le lieu de toutes les premières passions pour bien des gens de cette génération », estime Francis Ouellette.

Le dépanneur Caravelle

Frigo sort de la ruelle de garnotte et se dirige coin Dufresne et Logan, juste en face du dépanneur Caravelle.

En plus du balcon, Francis Ouellette mentionne que le dépanneur du coin, le Caravelle, est un autre lieu où les résidants pouvaient assister aux « spectacles » du Faubourg, la plupart improvisés par les personnages colorés du quartier, dont beaucoup apparaissent dans Mélasse de fantaisie. Frigo, l’homme itinérant connu par tous les résidants et aidé par plusieurs lorsque c’était possible, est au cœur de l’histoire.

PHOTO MARCO CAMPANOZZI, LA PRESSE

Le dépanneur Caravelle

Gérer un commerce dans le secteur n’est pas de tout repos à l’époque, avec les hauts taux de criminalité, de précarité et de dépendances qui touchaient la population du Faubourg. « Le dépanneur devient un épicentre de toute l’activité de ce quadrilatère-là », explique l’écrivain, visiblement impressionné par la persévérance de Caravelle après plus de 40 ans de service. « C’est le village d’Astérix, ce dépanneur-là, qui persiste et résiste absolument à tout. »

La librairie Le chercheur de trésors

Un jour, je vais écrire un livre là-dessus et il va trôner au centre de la vitrine de l’apothicaire. Le lancement va se passer ici et je vais boire avec le Vanier pendant que le Gingras me refilera du Steak haché.

Si vous passez devant le 1339, rue Ontario, vous trouverez la librairie le Chercheur de trésors, mais impossible d’y rentrer. Elle a malheureusement fermé ses portes en 2018, avant que l’auteur puisse réaliser son rêve.

Véritable vestige du Centre-Sud, l’endroit a été un lieu de rencontres pour les géants de la littérature du coin, comme la poète Josée Yvon, qui est d’ailleurs née dans le Faubourg à m’lasse. « L’endroit qui tenait culturellement vivant ce [quartier], à mon sens, c’était la librairie Chercheur de trésors », explique Francis Ouellette.

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

La librairie Le chercheur de trésors

Bien que le commerce ait mis la clé sous la porte il y a six ans, les mêmes livres sont exposés dans la vitrine qu’à sa fermeture, la couche de poussière et les couleurs ternies par le soleil sont les seules preuves des années passées. À l’image du Centre-Sud, ce commerce est figé dans le temps, ce qui est, selon l’auteur, une particularité du quartier.

« La librairie est là, mais elle refuse de s’en aller, c’est comme si elle tenait mordicus à rester dans le quartier », témoigne l’écrivain. « Il y a une espèce d’instinct de garder son environnement tel qu’il est. »

C’est peut-être le spectre de la mélasse qui colle le quartier à son passé.

La suite du roman, Sirop de poteau, paraîtra en avril 2025, en collaboration avec le magazine L’Itinéraire.

Le quartier

Le Faubourg à m’lasse est un ancien quartier populaire du Centre-Sud qui a été rasé par la Ville de Montréal dans les années 1960.

Population

Le secteur fait maintenant partie du Centre-Sud, qui compte 31 000 habitants.

Source : Centraide, 2021

Mélasse de fantaisie (2022)

Mélasse de fantaisie (2022)

Francis Ouellette

La Mèche

159 pages

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