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Un sommet pour encourager la littérature du Nord et de l’Arctique



 

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Une soixantaine d’auteurs, d’intervenants du milieu culturel et de scientifiques se sont réunis au Groenland à la mi-septembre afin de trouver des moyens de favoriser la traduction et la promotion, sur la scène internationale, des œuvres écrites dans des langues nordiques majoritairement parlées par des communautés autochtones.

L’objectif peut paraître utopique, mais Juaaka Lyberth n’en démord pas. Écrivain primé, homme de théâtre, chanteur à succès et politicien, le président de la Kalaallit Atuakkiortut (l’Association des écrivains groenlandais) a travaillé fort pour accueillir invités et participants au Sommet des littératures des petites langues du et de l’Arctique, qui s’est déroulé à Nuuk du 19 au 22 septembre.

L’écrivain groenlandais Juaaka Lyberth est aussi le président de la Kalaallit Atuakkiortut (l’Association des écrivains groenlandais).

Photo : Juaaka Lyberth

En soi, cette rencontre n’était pas une première pour l’organisation, mais la nouveauté, cette année, a été l’espace offert aux écrivains qui ne sont pas originaires de ce territoire autonome dépendant du Danemark. C’est devenu de plus en plus gros au fil des préparatifs, raconte-t-il au téléphone.

Au menu, on y trouvait des ateliers, des conférences et des discussions sur les moyens de faire progresser ces littératures. Les participants viennent [pour la plupart] de communautés qui comportent peu de membres et qui parlent des langues avec encore moins de locuteurs [que nous], explique M. Lyberth.

L’Association des écrivains groenlandais, qui existe depuis plusieurs décennies, se demande donc comment favoriser la présence de sa littérature dans le . Puisque la population groenlandaise compte à peine plus de 56 000 personnes, M. Lyberth estime que la survie de la littérature groenlandaise et, par extension, de sa langue passe nécessairement par l’augmentation de son rayonnement.

La couverture d'un livre.

La couverture du « Naleqqusseruttortut », de Juaaka Lyberth, en version groenlandaise.

Photo : Milik

Parmi les conférenciers invités, on dénombre bien sûr des Kalaallit (le nom que se donnent les Groenlandais aux racines inuit) ainsi que des Sami de la Norvège, un auteur des îles Féroé et une Inupiaq de l’Alaska, sans oublier Daniel Chartier, professeur titulaire à l’Université du à et directeur du Laboratoire international de recherche sur l’imaginaire du Nord, de l’hiver et de l’Arctique.

Ce laboratoire, fondé par M. Chartier, est considéré comme un important centre d’expertise qui met en relation les cultures nordiques tout en favorisant leur rayonnement à l’échelle locale et nationale.

Survivre grâce à l’exportation

MM. Lyberth et Chartier ont d’ailleurs profité de cette rencontre pour annoncer un partenariat conclu plus tôt cette année entre leurs deux organisations afin de favoriser la traduction et surtout la circulation de la littérature groenlandaise à l’étranger.

Deux hommes signent un document lors d'un festival littéraire.

Juaaka Lyberth, président de la Kalaallit Atuakkiortut (l’Association des écrivains groenlandais), et Daniel Chartier, professeur titulaire à l’Université du Québec à Montréal et directeur du Laboratoire international de recherche sur l’imaginaire du Nord, de l’hiver et de l’Arctique, ont signé une entente de partenariat visant à encourager la traduction et la circulation de la littérature groenlandaise en avril dernier lors du Festival du livre de .

Photo : Juaaka Lyberth

En toute logique, le but n’est évidemment pas que les lecteurs français ou allemands apprennent le groenlandais pour apprécier ces œuvres mais plutôt d’offrir la chance aux écrivains de poursuivre leur travail dans leur propre langue en sachant qu’ils auront la possibilité d’être traduits – et de rayonner –, et pas seulement en danois.

Le partenariat entre la Kalaallit Atuakkiortut et le Laboratoire international de recherche sur l’imaginaire du Nord, de l’hiver et de l’Arctique s’inscrit donc directement dans cet objectif. Les Groenlandais voient le français comme une ouverture sur le monde, une façon de se sortir de l’emprise [culturelle] du Danemark, explique Daniel Chartier.

La couverture d'un livre avec un dessin d'oiseau.

La couverture de la version traduite en français du conte groenlandais « Sila ».

Photo : Les Presses de l’Université du Québec

Il rappelle que le milieu culturel québécois a pu développer une expertise quant à l’exportation d’une littérature locale tout en ayant établi avec le temps des mécanismes de défense de celle-ci pour lui permettre de faire son chemin à l’étranger.

Prendre le temps de bien faire les choses

Le temps revêt d’ailleurs une importance primordiale pour Juaaka Lyberth. Malgré l’essor de l’intérêt pour la littérature groenlandaise (notamment avec le succès rencontré à l’étranger par l’ Niviaq Korneliussen, qui a rédigé son premier roman en groenlandais avant de le traduire elle-même en danois), il constate que le nombre de livres publiés au Groenland n’a pas augmenté depuis une décennie. Notre but serait éventuellement de ne pas en publier seulement 25 ou 30 mais plus près de 300.

Une couverture de livre montre une femme nue qui mange une banane.

La couverture originale du livre « Homo Sapienne », par Niviaq Korneliussen, une autrice groenlandaise.

Photo : Milik

En tant que petite communauté, si nous voulons conserver notre culture, nous devons en premier lieu l’écrire dans notre langue, explique Juaaka Lyberth. Nous avons notre propre littérature, des mythes et les légendes de jadis, comme les histoires inuit, mais nous avons aussi une littérature moderne. De nos jours, les gens écrivent non seulement des ouvrages de fiction mais aussi des essais, des livres pour enfants et des manuels destinés à l’éducation.

Il est important que les petites communautés [nordiques] travaillent ensemble, sinon nous allons être détruits par la langue anglaise.

Une citation de Juaaka Lyberth, auteur

La possibilité de traduire directement du groenlandais à d’autres langues, comme le français, est un objectif qui pourrait possiblement être réalisé si les souhaits de M. Lyberth pouvaient être exaucés.

Une couverture de livre pour enfants montre un homme groenlandais.

La couverture du livre pour enfants « Månemanden og andre fortællinger fra Grønland », de Gunvor Bjerre et Miki Jacobsen.

Photo : Milik

Cependant, pour lui, même s’il y a une urgence pour sauver certaines des langues arctiques considérées vulnérables, comme le groenlandais, il faut tout de même prendre le temps de bien faire les choses et d’avancer de manière naturelle.

Une question primordiale mais complexe : la traduction

Le gros problème pour le rayonnement des textes écrits dans ces petites langues du Nord, selon M. Chartier, est la traduction. La première difficulté, c’est qu’il faut trouver un traducteur. Et comme ils sont peu nombreux, il faut souvent passer par des langues intermédiaires.

Dans le cas des œuvres écrites en groenlandais, on doit donc passer par une traduction danoise, la langue du colonisateur, avant de pouvoir adapter une nouvelle fois le texte. Et, bien sûr, plus il y a de travail d’édition à faire, plus les coûts augmentent.

Malgré tout, Daniel Chartier déplore que l’intérêt pour la littérature groenlandaise soit pratiquement absent au Danemark, même si la majorité des œuvres y sont traduites, d’où la stratégie d’aller faire la promotion des écrivains ailleurs, que ce soit dans des salons du livre et des festivals au Québec, en , en Allemagne ou en Inde.

La deuxième difficulté, toujours selon Daniel Chartier, est l’intraduisibilité de certains concepts. Il donne comme exemple le mot groenlandais sila. C’est en partie le territoire, mais c’est comme s’il était une matrice directement liée aux humains, qui ne peuvent exister sans lui, explique-t-il.

L’intérêt de ces petites langues, c’est qu’elles offrent des concepts qu’on ne peut parfois même pas imaginer [dans d’autres langues].

Une citation de Daniel Chartier, professeur titulaire à l’Université du Québec à Montréal et directeur du Laboratoire international de recherche sur l’imaginaire du Nord, de l’hiver et de l’Arctique

Puisque le but du sommet est d’inclure non seulement les langues arctiques mais aussi celles du Nord, Daniel Chartier verrait d’un bon œil que des écrivains autochtones, tels les Innus, puissent un jour participer à une future édition de ce sommet littéraire.

Une opinion partagée par Juaaka Lyberth, qui se dit ouvert à l’idée de discuter de la présentation de ce sommet littéraire dans d’autres pays afin d’établir de nouveaux partenariats et de continuer à nourrir l’intérêt international pour ces littératures du Nord et de l’Arctique.

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