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Paru en premier sur (source): journal La Presse
« Ce n’est jamais calme, les municipalités ; il y a de gros enjeux », lance Maureen Martineau. Dans son nouveau roman, Une nuit d’été à Littlebrook, c’est une guerre de l’eau qui secoue le village fictif de Littlebrook, niché dans la campagne montérégienne entre Huntington et Ormstown, à un jet de pierre de la frontière américaine.
Publié à 8 h 00
Son héroïne, Aude Renaud, n’a pas remis les pieds dans son village depuis 20 ans. Et elle y retourne maintenant avec un plan : dénoncer, dans une mise en scène qui réunira toute la communauté, les crimes de celui qui l’a poussée à partir, quand elle n’avait que 18 ans. Mais son plan menace de dérailler.
« Aude tombe en plein dans une guerre entre sa mère, qui est la mairesse, et le grand fermier de la place. Des guerres de l’eau, ça se passe dans beaucoup de villages, ajoute Maureen Martineau. Ça s’est passé dans mon coin, à Tingwick, au Centre-du-Québec. Et avec la sécheresse, le problème devient bien plus important. »
Ce n’est pas la première fois que l’autrice de Zec la croche s’inspire de ce qui se trame dans son coin de pays pour écrire ses romans. Dans Une église pour les oiseaux, c’était une autre guerre municipale dans le village voisin du sien, où elle habite depuis 35 ans, qui avait été le point de départ de l’intrigue. « J’aime la dramaturgie des petites places », dit-elle.
Cartographier le territoire
Pour imaginer le village de Littlebrook, Maureen Martineau s’est installée quelque temps dans une maison victorienne à Ormstown, où nous l’avons rencontrée. Et pour jeter les bases de son histoire, elle s’est mise en tête d’arpenter la région et de dessiner une carte du territoire – quitte à « déplacer des affaires » le long du chemin historique qui la traverse.
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PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE
Le pont Percy
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La réserve protégée du Boisé-des-Muir
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La rivière Châteauguay, qui relie Ormstown et Huntington
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Les champs agricoles autour d’Ormstown
« Je cherchais un village de 1200 habitants pour pouvoir parler de cette guerre de l’eau. Il fallait que le village soit doté d’un système d’aqueduc parce que quand c’est trop petit, il n’y en a pas. J’avais déjà le Boisé-des-Muir [une forêt précoloniale protégée] et je voulais deux fermes – un verger et une ferme agricole assez grande à côté. »
En se baladant, elle est tombée sur le plus vieux pont couvert au pays, le pont Percy, qui surplombe la rivière Châteauguay, mais aussi sur des fermes et des habitations des années 1850 qui évoquent leur passé loyaliste, éparpillées le long d’allées ombragées qu’elle décrit dans le roman.
J’écris des romans noirs, mais je trouve ça intéressant de trouver des éléments de beauté autour. La forêt est magnifique, le pont, le village… l’architecture est belle.
Maureen Martineau
Une héroïne singulière
Il y a également une raison particulière qui a poussé l’autrice à venir explorer cette région à près de quatre heures de chez elle. Il y a 10 ans, elle avait lu un article sur ces familles, à Huntington, atteintes du syndrome de Clouston, une maladie génétique rare qui cause entre autres une calvitie et une absence de pilosité.
« Ça m’intéressait de parler de la différence corporelle pour une femme. Donc j’ai décidé que mon héroïne allait avoir ce syndrome. Et en fouillant encore sur cette maladie, j’ai découvert qu’il y a une mannequin américaine très connue, Melanie Gaydos, qui a fait carrière en mode. Alors je me suis inspirée de son penchant pour la mode pour Aude », explique Maureen Martineau.
La quête de son héroïne, qui passe entre autres par une dénonciation publique, lui a permis de remonter également à sa passion première, le théâtre, auquel elle a consacré 30 ans de sa vie. Et d’imaginer une finale à Une nuit d’été à Littlebrook digne d’une tragédie grecque.
Sur le plan de l’écriture, le roman noir donne énormément de liberté parce que tu n’es pas pris dans les normes de l’enquête. J’avais commencé à écrire avec des enquêtes policières, des romans très terre à terre, de procédure judiciaire.
Maureen Martineau
Puis c’est avec la nouvelle collection de romans noirs d’Héliotrope que Maureen Martineau s’est découvert une passion nouvelle pour ce genre, il y a quelques années, avec l’idée de situer ses romans dans des territoires précis.
« C’est là que j’ai pris conscience qu’effectivement, le territoire était très porteur de ses propres drames », indique-t-elle.
Et son prochain livre, sur lequel elle travaille déjà, sera de nouveau un roman noir.
À noter que simultanément à la parution d’Une nuit d’été à Littlebrook, les rééditions en format poche des romans noirs de Maureen Martineau Zec la croche et Une église pour les oiseaux viennent tout juste d’arriver en librairie.

Une nuit d’été à Littlebrook
Héliotrope
192 pages