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Une première biographie de Jean-Marc Vallée, cinéaste à l’ambition implacable



 

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Le livre Vallée, première biographie autorisée du cinéaste québécois Jean-Marc Vallée, décédé en 2021, retrace la vie exaltée de cet artiste ambitieux qui a su percer le mur d’Hollywood. À partir d’une cinquantaine d’entrevues avec ses proches et ses collaborateurs, Olivier Bourque et Ismaël Houdassine dressent le portrait d’un créateur sans compromis, porté fiévreusement par son amour du 7e art.

Olivier Bourque est reporter national à Radio-Canada, où il couvre différents sujets, dont la politique, les affaires internationales et l’économie. Ismaël Houdassine est journaliste à Radio-Canada et collaborateur culturel au quotidien Le Devoir.

Les deux collègues sont également de grands cinéphiles, une passion qu’ils ont notamment partagée en tant que collaborateurs à la revue Séquences, qui se consacre au cinéma québécois depuis 1955. 

Ils signent à quatre mains ce nouvel ouvrage qui paraît mercredi chez Libre Expression, de son nom complet Vallée – De C.R.A.Z.Y. à Hollywood, le destin rock and roll d’un cinéaste mythique. Le livre se démarque des biographies traditionnelles avec un style narratif qui se rapproche du roman, alimenté par une multitude de regards intimes sur le personnage de Jean-Marc Vallée.

Michel Côté et Jean-Marc Vallée pendan le tournage de «C.R.A.Z.Y.»

Photo : Libre Expression / Sébastien Raymond/Cirrus

Le matériau brut de l’ouvrage est une série d’entrevues menées par les deux journalistes avec des proches du cinéaste et de nombreux artistes et artisans avec qui il a collaboré. Vanessa Paradis, qui incarne Jacqueline dans Café de Flore, en signe d’ailleurs la préface.

On y retrouve des témoignages de Reese Witherspoon, Laura Dern, Denis Villeneuve, Xavier Dolan, André Robitaille, Pierre Even, Yves Bélanger, Kim Thuy, Kevin Parent et plusieurs autres. Sans oublier la romancière, scénariste et dramaturge Chantal Cadieux, ex-conjointe de Jean-Marc Vallée qui l’a conseillé dans de nombreux projets, ainsi que leurs fils Émile et Alex.

Je considère que Jean-Marc Vallée est un de nos plus grands réalisateurs […] mais c’est une histoire de fierté aussi, parce que c’est quand même le premier réalisateur québécois qui a réussi à Hollywood.

Une citation de Olivier Bourque, coauteur de Vallée

Un récit à hauteur d’homme

En quelque 300 pages déclinées en une trentaine de chapitres, Olivier Bourque et Ismaël Houdassine racontent le parcours de Jean-Marc Vallée à hauteur d’homme, dans ses lubies, ses éclairs de génie et ses obsessions.

On le retrouve d’abord adolescent, alors qu’il tombe en amour avec le cinéma américain en découvrant Vol au-dessus d’un nid de coucou, de Miloš Forman, au Cégep d’Ahuntsic. Il est complètement fasciné par le personnage libre et anticonformiste de Randle Mac McMurphy, incarné par Jack Nicholson.

D’ailleurs, des années plus tard, lorsqu’il soumettra sa candidature aux Oscars à titre de monteur – un art qu’il maîtrise à la perfection –, il le fera sous le pseudonyme de John Mac McMurphy, inspiré du personnage de Forman. 

Jean-Marc Vallée tient un trophée.

Jean-Marc Vallée aux Golden Globes en compagnie de Nicole Kidman, vedette de la série «Big Little Lies», signée par le réalisateur pour HBO.

Photo : Getty Images / Kevin Winter

On raconte aussi son passage par la publicité, les vidéoclips et les courts métrages avant sa carrière au grand écran. Un chemin jalonné de rencontres déterminantes avec des gens de talent, dont certains l’accompagneront sur le plan professionnel pendant plusieurs années.

On apprend entre autres que Jean-Marc Vallée a déjà été en colocation avec André Fortin, avant qu’il ne devienne Dédé des Colocs. Ce dernier étudiait comme lui le cinéma à l’Université de Montréal.

C’est d’ailleurs avec lui et trois autres jeunes créateurs qu’il vivra sa première expérience professionnelle, en tant que réalisateur de Perfo 30. Leur but : tourner une trentaine de vidéoclips, puis étaler le montage sur deux mois au cours de l’été 1985.

Le prix de l’ambition

De Liste noire (1995), son premier long métrage, au succès fou de C.R.A.Z.Y en passant par Café de Flore, The Young Victoria et Dallas Buyers Club, le livre nous emmène aussi dans les coulisses de chaque film de Jean-Marc Vallée, retraçant l’évolution de son style et sa manière de travailler.

On y découvre un artiste sans compromis, dont le tempérament bouillant sera à l’origine de plusieurs prises de bec avec ses collaborateurs. Sur le plateau de tournage, un environnement qui l’angoissait énormément, il pouvait être très directif, voire radical.

On voit le réalisateur muni d'écouteurs qui tient la caméra et regarde dans le viseur.

Le réalisateur Jean-Marc Vallée lors du tournage de « Café de Flore », en 2011

Photo : PRODUCTIONS CAFÉ DE FLORE/MONKEY PACK FILMS

C’était un volcan. [Lorsqu’il s’emportait], ça retombait rapidement; deux ou trois minutes après, il n’y pensait plus, explique Olivier Bourque. Mais il était irrésistible à certains égards, il était charismatique, c’était un leader naturel, donc il réussissait à amener son monde avec lui.

Plus tard dans sa carrière, notamment grâce au sport, Jean-Marc Vallée aura plus de facilité sur les tournages. Le sport devient sa drogue, il se dégage de son stress. C’est un gars qui a une anxiété de performance, c’est un gars intense. Mais en même temps, tu ne te rends pas à Hollywood avec un caractère de fonctionnaire.

Le livre aborde aussi la cohabitation parfois difficile entre sa carrière et sa vie familiale. Son côté intransigeant le suivra souvent à la maison, causant des tensions avec ses fils Émile et Alex et menant par la suite à sa séparation avec Chantal Cadieux, scénariste, dramaturge et romancière qui l’avait pourtant accompagné dans tous ses projets.

La famille plose pour un portrait à table.

Jean-Marc Vallée et Chantal Cadieux, entourés de leurs deux fils Émile et Alex

Photo : Libre Expression / Collection personnelle de la famille de Jean-Marc Vallée

Un réalisateur au service des acteurs

Au fil des nombreux témoignages de personnes ayant travaillé avec lui, le livre tente aussi de cerner le style de Jean-Marc Vallée, bien qu’il soit difficile à caractériser. Le cinéaste est un as de la technique qui aime toutefois laisser une grande place à son instinct, tournant souvent la caméra à l’épaule et laissant place à l’improvisation.

J’ai de la misère à le comparer à quelqu’un. C.R.A.Z.Y., c’est Scorsese au maximum, alors que Liste noire, c’est plutôt Hitchcock, explique Olivier Bourque. 

C’est un gars qui connaît bien le langage cinématographique, mais qui voulait se dégager de la lourde technique. Ce n’est pas comme Kubrick ou Tarkovski, qui pouvaient prendre toute une journée pour tourner 10 secondes.

Une femme (Reese Witherspoon) portant un sac à dos de camping.

Wild, de Jean-Marc Vallée

Photo : 20th Century Fox

Malgré son grand talent, le réalisateur n’aimait pas trop se mettre au-devant du film. Il préférait s’effacer le plus possible derrière la caméra.

Il a lui-même dit qu’il n’avait pas beaucoup de style, que la réalisation servait l’histoire et les acteurs. Tout gravite autour d’eux. C’est pour ça que les acteurs avec qui il travaille ont souvent eu des nominations aux Oscars, et qu’ils aiment tourner avec lui.

La biographie aborde aussi les derniers grands projets de Jean-Marc Vallée qu’il a laissés en chantier lorsqu’il est mort subitement d’un arrêt cardiaque le 25 décembre 2021, à 58 ans. Il est notamment question de son film biographique sur John Lennon et Yoko Ono, un projet qui l’obsédait depuis plusieurs années et qui s’apprêtait à entrer en tournage avant son décès. 

Olivier Bourque espère que le livre qu’il a signé avec Ismaël Houdassine trouvera un public large, au-delà des cinéphiles. Je pense que les gens qui aiment le cinéma vont l’aimer, mais on l’a fait en pensant à C.R.A.Z.Y., alors on veut que ça puisse devenir un livre populaire.

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