Paru en premier sur (source): journal La Presse
Elle a beau souffler ses 100 bougies cette année, ce n’est pas seulement par son âge vénérable que la librairie Martin, à Joliette, se démarque.
Publié à 9 h 00
Depuis qu’il a repris les rênes de cette librairie familiale, d’abord comme directeur général, il y a une dizaine d’années, avant de la racheter en 2017 à la famille Martin, Luc Ayotte a entrepris d’opérer une véritable révolution technologique au sein de ce commerce indépendant.
PHOTO HUGO–SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE
La librairie Martin, à Joliette, fête ses 100 ans.
Finis l’étiquetage manuel, les livres perdus, les commandes « à la mitaine »… Son système de gestion est si efficace qu’il le partage même avec d’autres propriétaires de librairies indépendantes.
En plus, pour seconder les libraires, le propriétaire a mis au point un outil basé sur l’intelligence artificielle – un chatbot, en anglais – qui fouille directement dans l’inventaire de la librairie. Car les libraires, précise-t-il, ne peuvent pas connaître les 30 000 livres disponibles en librairie, même s’ils peuvent en lire facilement une centaine par an.
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Luc Ayotte, propriétaire de la librairie Martin depuis 2017
L’objectif numéro un, c’est de vendre des livres. On veut que chaque client qui rentre ici ressorte avec au moins un livre dans les mains.
Luc Ayotte, propriétaire de la librairie Martin
Si l’on se fie au fait que la librairie Martin, la plus ancienne au Québec, est l’une des rares à vendre plus de livres au public qu’aux collectivités (c’est-à-dire les bibliothèques, les écoles et les organisations), on pourrait dire sans hésiter qu’il a largement atteint son objectif.
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Des employés de la librairie Martin et des membres de la famille fondatrice : Vanessa Brais, René Martin, France Martin, Luc Ayotte, Johanne Emery, Laurianne Ayotte, Monique Martin, Jacques Martin et Colette Ducharme
Au fil des décennies, la librairie Martin n’a pourtant pas toujours vendu que des livres. À ses débuts, il y a un siècle, les livres s’y louaient ! Le fondateur, René Martin, vendait également des instruments de musique, des phonographes, des partitions et des articles religieux dans son local du boulevard Manseau, où il s’est installé en 1925. Son slogan ? « Les meilleurs passe-temps ». C’est d’ailleurs dans son commerce qu’il a rencontré sa future épouse, Clémentine Roch, une professeure de piano qui venait y acheter ses partitions.
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PHOTO FOURNIE PAR LA LIBRAIRIE MARTIN
La librairie Martin, place Bourget à Joliette, en 1936
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PHOTO FOURNIE PAR LA LIBRAIRIE MARTIN
La librairie Martin en 1937
Une institution dans la région
D’un déménagement à l’autre, tout en demeurant à Joliette, la librairie est devenue avec le temps une véritable institution dans Lanaudière. La fille du fondateur, Monique Martin, raconte d’ailleurs que l’animatrice Reine Malo, qui est née à Joliette, y passait ses samedis à bouquiner, à l’âge de 7 ou 8 ans.
Même l’incendie dévastateur de 1972, qui a complètement détruit l’immeuble de la rue Notre-Dame où la librairie s’était installée quelques années auparavant, n’a pas réussi à lui faire fermer ses portes. Car quatre jours plus tard, elle rouvrait déjà rue Saint-Viateur, où elle est restée jusqu’en 2016. C’est en 2012 qu’ouvre la succursale des Galeries Joliette – qui est désormais la seule en ville.
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Cette machine permet de rechercher des livres grâce à un étiquetage à puce.
Dès la fin des années 1980, la librairie opérait un premier virage technologique en informatisant son inventaire. Mais des années plus tard, il a fallu de nouveau se réinventer, raconte Luc Ayotte.
« Il y a des employés qui fonctionnaient de la même façon depuis 30 ans… Ils n’étaient pas très contents de me voir arriver pour tout changer », se souvient-il en riant. D’autant que le gestionnaire venait du milieu de l’alimentation… « Je ne connaissais rien au livre ! », admet-il.
Fort de son expérience en gestion, M. Ayotte savait pourtant que pour survivre dans le commerce de détail, il faut s’adapter. À plus forte raison quand on est une librairie indépendante.
Lorsque le petit-fils du fondateur, René Martin, qui gérait la librairie avec sa sœur France, est venu le chercher, il fallait sauver l’entreprise dont les finances étaient, comme celles de bien des librairies, au bord du gouffre.
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La librairie Martin
Après avoir remis la librairie de Joliette sur les rails, Luc Ayotte a acheté une librairie en faillite à Laval qui appartient désormais à la même enseigne. Mais il n’y a pas d’autres ouvertures dans les plans – du moins pour l’instant.
Que penserait à son avis le fondateur, René Martin, en voyant tous les changements que son commerce a connus en un siècle ? « Maintenant, il peut reposer en paix », dit-il en riant.