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Un extrait de Dans la lugubre forêt nos corps seront suspendus
Avant la Révolution, mon grand-père avait l’habitude de louer un camion le premier jour des grandes fêtes – Noël, Norouz, Ridvan, Mehregân, Aïd al-Adha, Hanoukka, Shab-e Yalda, toutes les fêtes, n’importe quelle fête – pour conduire sa femme, ma tante et ma mère au bazar où se trouvaient de grandes cages pleines de moineaux, d’étourneaux, de merles et de rossignols tremblotants devant toute cette foule, trop distraits par les nombreux passants pour chanter, effrayés par les enfants qui inséraient de la nourriture ou des petits bâtons dans leur prison, voletant désespérément d’une barre métallique à l’autre, poussant leur bec entre les barreaux pour goûter la liberté, leurs petits yeux affamés et anxieux attendant nerveusement que s’ouvre la porte et qu’une main poilue et rustre les empoigne au cou, un à un, parce que la vente était conclue, un nuage de plumes lustrées blanches, grises, noires et mauves tombant au fond de la cage.
Mon grand-père arpentait tout le bazar pour acheter non pas un ou deux oiseaux, mais des cages gazouillantes entières, et de ses bras solides mais prudents, il les disposait à l’arrière du camion et les attachait avec une corde aussi épaisse que la chevelure de ma mère. Puis il soulevait ses filles enjouées pour les faire monter à l’arrière, leur précisant qu’elles étaient maintenant responsables de protéger les oiseaux, et il retournait à l’avant du véhicule pour faire tourner le moteur. Il restait immobile derrière le