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Après six ans d’attente, l’autrice ilnue Marie-Andrée Gill revient en force à la poésie en présentant Uashtenamu | Allumer quelque chose, un recueil en mouvement, aussi foisonnant que sa couverture signée Christi Belcourt, où la vie végétale déborde.
Si son précédent recueil Chauffer le dehors témoignait d’une pause, d’un moment obligé de ressourcement pour panser ses plaies après une séparation, on sent que dans Uashtenamu | Allumer quelque chose, son quatrième ouvrage solo publié à la maison d’édition saguenéenne La Peuplade, l’autrice originaire de Mashteuiatsh retrouve non seulement ses repères, mais aussi une joie de vivre à l’approche de la quarantaine.
Il y a un peu un avant et un après. Chauffer le dehors, c’est vraiment un événement dans ma vie
, explique-t-elle en entrevue. Cette peine d’amour m’a beaucoup fait grandir. Et je suis revenue avec ce gars-là, on est encore ensemble aujourd’hui.
Marie-Andrée Gill prend acte de cette renaissance commune et se l’approprie pour retrouver un nouveau souffle créatif : Quand on est avec quelqu’un, ça nous fait avancer pas mal plus vite. On est confronté à qui on est, on est confronté à nos peurs, à nos frustrations
.
Accepter notre place dans le monde
Et ce livre témoigne justement d’une volonté de sortir de l’emprise que les peurs et les colères peuvent posséder.
Marie-Andrée Gill estime que cet ouvrage est un recueil d’acceptation
, spécifiquement de la place qu’on occupe dans un monde où on peut souvent se sentir impuissant.
Et pourtant, ce livre est tout sauf cynique
, affirme la poète. Et elle a raison. Uashtenamu | Allumer quelque chose est un ouvrage lumineux. Même si on pense qu’on n’a pas d’impact sur le monde, on en a un. C’est juste qu’il est à sa propre mesure.
Depuis Chauffer le dehors, mon mode de vie a changé. Je prends vraiment plus soin de moi, je suis vraiment plus “groundée”. Je fais toutes sortes de pratiques qui me font du bien, comme de la méditation. Ça m’aide dans mon travail parce que ça permet de tasser le superflu. […] Je ne sais pas si c’est ça de la maturité, mais tout le travail que je fais sur moi, la poésie ou les projets que je fais en sont teintés.
À preuve, la dédicace en début de recueil : À toutes mes relations
. Une phrase qui revêt une importance particulière pour la poète, qui l’associe à une sorte de leitmotiv commun aux premiers peuples. On souhaite que toutes nos relations aillent bien, que toutes les relations soient harmonieuses. C’est un peu comme une prière
, confie-t-elle. L’humain a tendance à se mettre au-dessus de tout ça, mais on n’est au-dessus de rien pantoute!
De l’intime à l’universel
Marie-Andrée Gill travaille son écriture à partir de notes glanées ici et là dans un cahier qui l’accompagne en permanence. Qu’il s’agisse d’une phrase entendue, d’une association fortuite de mots en apparence discordants ou d’un moment de paix au cœur du territoire, elle construit sa poésie en cherchant la beauté dans l’intime, dans l’infiniment petit, pour la faire éclore dans un contexte qu’on pourrait qualifier d’universel. Une technique qui lui plaît, mais qui lui permet aussi de rendre sa poésie plus accessible
.
Une tendance qu’on retrouve d’ailleurs d’un recueil à l’autre : le recours à une langue de plus en plus orale, qu’elle juge moins hermétique
que dans ses premiers vers.
Dans Uashtenamu | Allumer quelque chose, on retrouve certains poèmes écrits en prose. Elle y discute de la vie de tous les jours, de poutine, de funérailles évitées, du pouvoir du feu, d’une vieille camionnette léguée par son oncle.
Elle dit aussi s’inspirer de ses lectures, que ce soit de la philosophie innue et autochtone, mais aussi un bon nombre d’essais, dont des ouvrages de l’astrophysicien québécois Hubert Reeves. J’ai envie de continuer dans cette lancée-là de mélanger tous ces univers-là qu’on pense éloignés les uns des autres, mais qui se ressemblent.
J’essaie juste d’amener une autre façon de regarder une réalité simple dans une perspective qu’on a peut-être moins souvent.
Toujours en route
Le déplacement est un thème récurrent tout au long du recueil. La nécessité de bouger, d’accumuler distance et temps pour atteindre les objectifs désirés. À plusieurs reprises, Marie-Andrée Gill nous amène avec elle d’un point A à un point B et ce voyage passe la plupart du temps par la voiture.
Au départ, le projet de ce livre-là, c’était l’acceptation du monde comme il est, dont l’acceptation des chars
, confie-t-elle. On peut-tu embrasser notre réalité telle qu’elle est aujourd’hui? Ils sont là, est-ce qu’on peut créer quelque chose de beau avec ça?
Les plus belles discussions que j’ai eues dans ma vie se sont souvent passées dans les chars.

Uashtenamu | Allumer quelque chose
Photo : La Peuplade
Le recueil Uashtenamu | Allumer quelque chose, de Marie-Andrée Gill, sera publié le 4 juin, aux éditions La Peuplade.