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Jacques Godbout et plusieurs autres membres d’honneur de l’UNEQ demandent la tenue d’un vote des membres sur la vente de la Maison des écrivains, prévue d’ici le printemps.
Photo : Radio-Canada
Charles RiouxPublié à 15 h 43
Après la saga des cotisations syndicales, l’Union des écrivaines et écrivains québécois (UNEQ) est de nouveau critiquée, cette fois-ci pour sa décision de vendre la Maison des écrivains d’ici le printemps. Dans une lettre adressée à l’UNEQ, des ténors de la littérature québécoise, comme Jacques Godbout et Gilles Vigneault, lui ont demandé de tenir un vote sur la question lors de sa prochaine assemblée générale, qui doit se tenir fin janvier.
La transformation de l’UNEQ en un syndicat centré principalement sur les conditions économiques de ses membres, accolée à votre décision de vendre la Maison des écrivains, nous inquiète
, peut-on lire dans une lettre envoyée à l’UNEQ le 9 janvier, signée par 11 membres d’honneur de l’Union, dont Michel Tremblay, Monique LaRue et Joséphine Bacon.
Rien n’est explicité en ce qui concerne les activités littéraires et culturelles [de la Maison des écrivains], tout comme l’utilisation de l’argent obtenu pour la vente de la maison. Le climat de grogne et de méfiance qui règne en ce moment au sein de l’UNEQ risque d’être néfaste à son développement.
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La Maison des écrivains est située au 3492, avenue Laval, à Montréal, à deux pas du Square Saint-Louis.
Photo : Site web de l’UNEQ
Une lettre a également été envoyée jeudi au ministre de la Culture et des Communications, Mathieu Lacombe, celle-ci signée par 53 écrivains, écrivaines et anciennes têtes dirigeantes de l’UNEQ. Je ne peux concevoir que la direction de l’UNEQ veuille transformer une institution de caractère culturel en un organisme de revendications d’abord économiques
, y écrit le romancier Jacques Godbout, qui a cofondé l’UNEQ en 1977 avec une cinquantaine d’écrivains et d’écrivaines.
« Vendre la Maison des écrivains, c’est vendre son âme. »
Les signataires de cette lettre demandent au ministre Loi sur le statut de l’artiste.”,”text”:”de convoquer d’urgence les dirigeants de l’UNEQ pour dénouer cette impasse qui suscite parmi ses membres une dissension nuisible à l’application de la récente Loi sur le statut de l’artiste.”}}”>de convoquer d’urgence les dirigeants de l’UNEQ pour dénouer cette impasse qui suscite parmi ses membres une dissension nuisible à l’application de la récente Loi sur le statut de l’artiste.
Une décision prise sans consultation
La décision de liquider la Maison des écrivains a été prise par le conseil d’administration au mois de septembre, sans consultation des membres de l’UNEQ, et leur a été annoncée trois mois plus tard, le 15 décembre.
Dans une lettre d’opinion publiée dans Le Devoir le 29 décembre, l’ancien directeur de l’Union Pierre Lavoie déplorait cette approche antidémocratique
, rappelant que la Maison était fréquentée par des milliers de Montréalais, de Québécois et de délégations étrangères
.
Au minimum, un référendum électronique aurait dû être tenu pour vérifier si la proposition du CA recueillait l’assentiment d’une majorité d’écrivains
, avait-il ajouté.
Une vente nécessaire à la survie même de l’UNEQ, selon un avocat
Selon Daniel Payette, avocat et membre de l’UNEQ qui a déjà travaillé avec l’Union sur divers dossiers, la liquidation de la Maison des écrivains serait essentielle à la survie même de l’UNEQ, qui avec le financement de ses nouvelles activités syndicales pourrait bientôt manquer de fonds pour acquitter les factures liées au bâtiment.
L’UNEQ a acquis la Maison des écrivains en 1990 pour environ 335 000 $. Sa valeur est aujourd’hui estimée à 2,4 millions de dollars. l’entièreté du bâtiment est payée, mais la facture pourrait bientôt grimper en raison des taxes municipales.
La Maison profite d’une exonération fiscale pour ces taxes depuis 1997, qui est réévaluée tous les cinq ans sous une condition principale : que l’endroit demeure dédié à des manifestations culturelles fréquentées par le public en général. C’était le cas depuis 25 ans, mais le récent changement de vocation de l’UNEQ, qui agit maintenant à titre de syndicat officiel, pourrait lui faire perdre son privilège.
L’UNEQ depuis l’été dernier a une nouvelle mission, en vertu de la loi. […] À partir de ce moment-là, elle a nécessairement besoin de nouveaux locaux
, explique Daniel Payette. Si elle augmente son espace dans la Maison des écrivains, elle va perdre l’exonération fiscale. Avec les augmentations de taxes, […] c’est au-delà de son budget.
L’UNEQ a confirmé par courriel les propos de Daniel Payette, 000$ à 80000$ par année. Cela représenterait entre6 à 8% de notre budget, et 35à 40% du total des cotisations annuelles des membres (selon les chiffres 2022).”,”text”:”estimant que les taxes foncières pourraient s’évaluer autour de 70000$ à 80000$ par année. Cela représenterait entre6 à 8% de notre budget, et 35à 40% du total des cotisations annuelles des membres (selon les chiffres 2022).”}}”>estimant que les taxes foncières pourraient s’évaluer autour de 70 000 $ à 80 000 $ par année. Cela représenterait entre 6 à 8 % de notre budget, et 35 à 40 % du total des cotisations annuelles des membres (selon les chiffres 2022).
Un joyau patrimonial et sentimental
La Maison des écrivains s’inscrit depuis trente ans dans la vie culturelle de Montréal, et du Québec en général. Le bâtiment classé patrimonial est situé près du square Saint-Louis, à quelques pas de l’ancienne maison d’Émile Nelligan, et a été fréquenté ou habité par de nombreuses plumes du Québec, comme Gaston Miron, Pauline Julien, Michel Tremblay et tant d’autres.
Davantage qu’un siège social pour l’UNEQ, c’était un lieu de promotion de la littérature québécoise et de défense des droits des écrivains et écrivaines, qui accueillait régulièrement des conférences, des tables rondes, des lectures d’œuvres, des lancements et des spectacles.
C’est une maison patrimoniale, elle est symboliquement fondamentale pour les écrivains. […] C’est un peu violent de décider de vendre la Maison des écrivains sans nous consulter en même temps que de créer un syndicat avec différentes exigences
, se désole la poète Diane Régimbald, membre de l’UNEQ et secrétaire générale de l’Académie des lettres du Québec.
Qu’est-ce qu’on peut faire pour la sauver? Elle appartient aux membres, pas à l’UNEQ. […] Le CA est voté par les membres, il ne faut pas l’oublier, je trouve que c’est antidémocratique de fonctionner de la sorte
, ajoute-t-elle, rejoignant les propos de Pierre Lavoie.
Jusqu’ici, l’UNEQ a refusé d’ajouter le sujet de la vente de la Maison des écrivains à l’ordre du jour de sa prochaine assemblée générale, au cours de laquelle les membres devront voter sur la question des cotisations syndicales en vue de l’adoption d’une première convention collective. L’UNEQ s’est donné jusqu’au printemps pour vendre le bâtiment.
Ce texte a été écrit à partir d’entrevues réalisées par Catherine Richer, chroniqueuse culturelle à l’émission Le 15-18. Les propos ont pu être édités à des fins de clarté ou de concision.