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Le barman du Ritz, de Philippe Collin | L’occupation allemande, derrière le bar

Paru en premier sur (source): journal La Presse

Passionné d’histoire, l’auteur français Philippe Collin, également producteur et journaliste à Inter, vient présenter cette fin de semaine au Salon international du de Québec son premier roman, Le barman du Ritz, ainsi que son tout nouvel , Les résistantes. Nous lui avons parlé de ce lieu mythique et de son personnage au destin hors du commun.


Publié à 11 h 00

Le barman du Ritz, c’est Frank Meier, qui a servi des officiers allemands pendant l’Occupation, de 1940 à 1944, à . Comment avez-vous découvert son existence ?

C’est par Yoko Ono, en fait [rires]. J’arrive à Paris en 1998 pour faire mon service militaire, je viens de la Bretagne, d’un milieu assez modeste. J’ai lu Hemingway quand j’étais adolescent – Paris est une fête. Hemingway est fasciné par le Ritz dans ce livre, notamment parce que Fitzgerald y vit et il est fasciné par Fitzgerald. Je rêve d’aller au Ritz, donc je passe plusieurs fois place Vendôme, mais je n’ose pas y entrer parce que j’ai une sorte d’interdit social.

En 2002, je travaille pour France Inter et j’apprends que Yoko Ono est à Paris pour une exposition de ses œuvres d’art. L’interview a lieu au Ritz ! […] Après, je vais au bar et je commence à parler au barman, Colin Field. Il me parle de Meier, qui m’a intrigué tout de suite. J’ai commencé à documenter sa vie, mais juste pour moi au début.

Qu’est-ce qui vous a fasciné d’emblée dans le personnage ?

Il y a son côté transfuge de classe ; il vient d’un milieu très modeste [comme moi], il fait des choix de vie qui sont sans doute très compliqués, puis il s’accomplit. Il devient un des plus grands barmans de l’entre-deux-guerres dans le de luxe.

Il avait 55 ans en 1940. Hemingway, Cocteau, Arletty, Guitry, c’est son monde. Il s’est inventé une vie. Et là, les Allemands arrivent, le rêve est fracassé. Comment est-ce qu’il va faire pour s’en sortir ? C’est un ressort romanesque extraordinaire.

Tous les faits historiques sont réels, mais il y a également une grande part de fiction dans le roman. Le personnage de Luciano, notamment, est complètement inventé alors qu’il prend une grande place dans la vie romanesque de Frank…

Dans la vraie vie, Frank Meier n’a pas été un très bon et je voulais le racheter. Je voulais montrer que ce héros est compliqué. Il est un peu collabo, il est dans des zones grises, dans la compromission et les compromis. Mais par moments, il devient très humain ; il protège Blanche Auzello [dont le dirige le Ritz] ou ce gamin, Luciano, qu’il adore.

Blanche Auzello, qui a réellement existé, est également un personnage très important.

C’est une femme qui s’est émancipée en allant dans des frontières où elle s’est un peu brûlée, avec l’alcool, la drogue. Mais elle s’est beaucoup libérée des préjugés à l’égard des femmes. Je pense qu’elle ne s’est jamais remise de ses trois arrestations par la Gestapo, notamment de la dernière, où elle a été torturée – c’est documenté.

Ce qui me fascine chez elle, c’est que dès août 1940, quand elle revient au Ritz, elle trouve ça insupportable qu’il y ait des Boches, comme elle dit. Très vite, elle réagit avec ses tripes et donc elle devient résistante, entre guillemets. Et ça, c’est quand même très admirable.

Vouz écrivez que durant ces années-là, le Ritz était le « lieu des illusions ». Aujourd’hui, quel effet vous fait-il ?

C’est un monde très complexe, mais qui me plaît beaucoup parce que le Ritz a gardé une âme d’humanité. On peut tous y aller, en vérité, ce qui n’est pas le cas de tous les palaces. Il a été créé en 1898, en pleine affaire Dreyfus à Paris. Le Ritz va être un temple de la haute bourgeoisie et les commentateurs pensent que ça va être un lieu antidreyfusard.

Or, la maîtresse d’Auguste Escoffier, le grand cuisinier français et l’associé de César Ritz, s’appelle Sarah Bernhardt, la grande actrice française. Elle est dreyfusarde et elle va créer dans des salons du Ritz des réunions de dreyfusards. Et donc le Ritz va être tout le temps animé de deux mondes – un monde réactionnaire, conservateur, et un monde progressiste.

Depuis son ouverture, c’est toujours pareil. Et c’est intéressant de voir qu’au Ritz, il y a un peu tout le monde. C’est assez rare et c’est resté, depuis 130 ans et aujourd’hui encore, un monde avec plein de couches.

Dans votre essai Les résistantes, vous retracez les destins croisés de cinq femmes qui ont joué un rôle important durant l’Occupation – Lucie Aubrac, Geneviève de Gaulle, Mila Racine, Simonne Mathieu et ée Davelly. Pourquoi avez-vous choisi ces femmes en particulier ?

Elles sont d’origines sociales différentes, de cultures politiques différentes – de gauche, de droite, des prolétaires, des bourgeoises, des étrangères, des Françaises, des juives, des catholiques, des athées… Je voulais montrer qu’on peut être tous très différents, mais qu’on est tous reliés par des valeurs partagées. Et quand ces valeurs-là sont attaquées par un ennemi, malgré toutes nos différences, on peut se retrouver dans un combat commun qui est le socle de la société.

Philippe Collin sera en dédicaces au Salon international du livre de Québec (SILQ) ce samedi à 10 h 30 et 13 h 30, ainsi que dimanche à 10 h.



Consultez le site du SILQ pour les détails de ses activités

Le barman du Ritz

Le barman du Ritz

Philippe Collin

Albin Michel

416 pages

Les résistantes

Les résistantes

Philippe Collin

Albin Michel

448 pages

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Philippe Collin Le barman du Ritz



Philippe Collin Les résistantes

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